Le chêne aux chats
Saint-Aubin-du-Thenney : le « chêne aux chats », une histoire particulière
dans l'ancien canton de Broglie, deux lieux-dits portent le nom de « chêne aux chats », marque vraisemblable d'une coutume cruelle qui aurait duré du Moyen-Âge au XVIIe siècle.
Un chat est pendu aux fourches patibulaires naturelles (fourches caudines ou gibet), un chêne, à la croisée des chemins, devant des villageois, spectateurs attentifs. Cette scène a pu se passer au « chêne aux chats » au Mesnil-Rousset ou à Saint-Aubin-du-Thenney, pendant le Moyen-Âge.
La pendaison d’un chat : un événement insolite ?
Du Moyen-Âge au XVIIe siècle, selon l’historien Jean Pastoureau, les procès d’animaux, surtout de cochons, de truies anthropophages sont nombreux : en avril 1274, à Torcy dans la Manche, un cochon a tué un porcher, en 1386 à Falaise, une truie a dévoré un enfant, un autre est condamné pour avoir dévoré en partie un enfant en 1642, à Montlinchart dans l’Aisne…
Principalement au Moyen-Âge, les animaux domestiques sont reconnus êtres vivants, créés par Dieu, avec une âme, des droits, responsables de leurs actes. Ils peuvent donc être coupables, accusés et jugés comme les êtres humains.
Les juges laïcs instruisent les procès, en bonne et due forme. Après avoir fait arrêter et emprisonner les chats, cochons, chiens ou autres animaux coupables de vols, blessures, homicides, l’enquête est menée. Des témoins sont appelés à la barre, entendus. La sentence est souvent la mort par pendaison (la relaxe est rare), annoncée à l’animal dans sa cellule et appliquée rapidement. L’exécution est publique.
Malheureusement, aucun procès d’animaux n’est conservé aux archives départementales de l’Eure, à Evreux.
Pourquoi un chêne ?
Cet arbre n’est-il pas le symbole de l’ordre, du pouvoir, de la justice ? Le roi Saint-Louis ne rendait-il pas la justice au pied d’un chêne ?
Le chêne lieu de justice, lieu d’exécution devait être visible du plus grand nombre, avoir une valeur d’exemple. Ainsi le gibet était installé à un carrefour passager.
D’autres coutumes et superstitions déciment la gent féline. Le chat noir, lui, est forcément criminel, toujours incriminé, victime des procès de sorcellerie des juridictions ecclésiastiques. Il est alors excommunié et brûlé en public. On parle aussi des chats enfermés dans des paniers et brûlés dans le feu de la Saint-Jean.
J’ai moi-même découvert, lors de la restauration d’une étable, un chat momifié naturellement dans la bauge, gueule ouverte, toutes griffes sorties. Il avait été emmuré vivant pour éloigner les maladies, les mauvais esprits, pour protéger le bétail. Que les félins soient rassurés, ces temps obscurs sont révolus !
Une autre explication
Pour rassurer les lecteurs, le « chêne aux chats » de Saint-Aubin-du-Thenney, aurait une autre signification. Ce lieu-dit serait la déformation du « chêne au câteau (château) » en normand (cat = chat). Il est vrai qu’une motte féodale se dresse à quelques mètres de ce chêne.
Par contre, certains lieux-dits sont moins équivoques. Plus expressif, peut-être, est le nom des fourches patibulaires de Notre-Dame-du-Hamel, « le triage des pendus ». Mais il ne s’agit alors pas de chats mais des hommes jugés par la justice seigneuriale d’Echanfray, exposés à ce gibet.
Si la toponymie nous renseigne sur les traditions populaires, l’histoire, les patronymes de nos communes, leur interprétation est parfois, voire souvent, bien difficile.