Eglise Saint Pierre
L'église Saint-Pierre se composait, à l'origine, d'une nef unique terminée par un chevet plat. Elle a été agrandie par un bas-côté sur le flanc Nord au XVIe siècle, puis d'un autre au Sud au milieu du XIXe. Elle forme donc un édifice spacieux à trois nefs dominé par un grand clocher construit en 1877-1878.
Pour découvrir le premier étage de l'ancien clocher du XIIe, il faut sortir de l'église et monter du côté Nord par un escalier où l'on découvre des signes lapidaires gravés sur les murs intérieurs par les constructeurs de l'église. Chaque signe désignait un individu particulier et permettait la connaissance du travail de chacun. Cet escalier conduit au-dessus du chœur, dans une salle de même dimension que celui-ci (5,60 m x 5,25 m) abritée par une lourde toiture à trois versants. Dans ce lieu qui pouvait servir de refuge, la couverture primitive était située au-dessous du niveau des créneaux, accentuant ainsi l'allure de cette tour fortifiée. Cette salle donnait accès au chemin de ronde qui était installé à deux mètres du sol et protégé par un parapet crénelé. Un chéneau, longeant le passage, évacuait les eaux de pluie qui ruisselaient de la toiture. Le couronnement était complété par des échauguettes aménagées sur les contreforts d'angle, et par un hourdage établi au niveau du sol du chemin de ronde intérieur.
En 1866, M. de Castelnau d'Essenault de la Commission des monuments historiques décrivait ainsi l’ancien clocher : «L'ancien clocher fortifié construit à la fin du XIIIe siècle est une grande tour carrée, avec de puissants contreforts aux angles. L'épaisseur de ses murs, ses larges créneaux qui rappellent ceux des remparts de la cité de Carcassonne, ses fenêtres longues et étroites comme des archères et enfin ce mur de l'ouest ajouré de hautes arcades pour la suspension des cloches, tout cet ensemble a un aspect robuste et fier, un caractère imposant. On sent que c'est l’œuvre d'une époque d'agitations et de luttes...».
Au cours des ans et des siècles, les chroniques se font l'écho des heurs et malheurs de l'église suivant les travaux ou les abandons des générations successives. En 1692, un nouveau compte rendu soulignait le délabrement de l’édifice : «Pour le corps de l'église il est dans une telle ruine que nous jugeons n'y pouvoir point célébrer la sainte messe, le tiers de la dite église du côté du couchant avec le clocher qui était sur l'entrée ayant croulé jusqu'aux fondements et l'église étant toute ouverte… en telle manière que tout le mauvais temps, vent, pluie, orages, entrent à plein dans la dite église, et ne souffrent point que les chandelles restent allumées sur les autels...»
L’oratoire carré qui forme aujourd’hui le sanctuaire de l’église avait été entièrement revêtu de peintures à la fin du XIIIe. Le compte rendu des travaux de la commission des monuments historiques de la Gironde par le Marquis de Castelnau d’Essenault en 1866 comporte les calques de ces œuvres et les présente : «De chaque côte des fenêtres longues et étroites qui s'ouvrent au milieu des murs de l'Est, du Nord et du Sud, se développaient de grandes scènes. Le dessin de celles des murs de l'Est a seul été conservé. Elles étaient à gauche, le crucifiement ; à droite la Sainte Vierge assise et portant le divin enfant… »
En 1858, d'importants travaux d'agrandissement et de restauration ont été effectués dans l'église, lui donnant la grande nef voûtée actuelle en remplacement d'un plafond en lambris, avec un bas-côté au flanc sud de l'édifice. Un document d'archive en précise le prix : « La commune de Tresses est autorisée par décret impérial à emprunter pour ces travaux deux sommes de 5000 francs chacune remboursable en cinq annuités... » ; « Fait au palais de Saint-Cloud le 28 août 1858, Signé : Napoléon». À peu près à cette époque, de nouvelles fresques murales remplacèrent les peintures du XIIIe décrites au moment de leur disparition. Les archives possèdent une facture de Vincent Bonnet, peintre, rue Saint-Paul à Bordeaux pour une décoration en peinture à l'huile et à la cire datée de 1862. Les murs retrouvèrent leur blancheur primitive lors de la restauration du chœur en 1963-1964, les travaux de Vincent Bonnet étant en fort mauvais état.
En 1875, il est décidé de construire un nouveau clocher ; une souscription est alors ouverte par le maire, M. Teyssonneau. L'architecte M. Hosteins présente son projet en 1876 «... qui aura l'avantage de laisser intacte l'ancienne tour placée sur le sanctuaire de l'église, de faire disparaître la nudité de la façade principale et de donner à l'église un porche, une tribune et un tambour dont elle est actuellement dépourvue». Ce projet est lancé par le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux qui signe l'autorisation le 29 septembre 1878. Ce célèbre archevêque tenait à ce que chaque église eût son clocher «d'où descend chaque jour une voix solennelle et amie qui rappelle les devoirs de religion, de famille et de société». Il remplaça des foules de vieux clochers romans, solides et sentant le terroir, par de maigres flèches gothiques... Tresses faillit perdre au début du projet son admirable tour fortifiée !
Le nouveau beffroi a été construit en 1877-1878 pour la somme de 35 000 francs. Il mesure 40 mètres et a connu très tôt des vicissitudes car il commençait déjà à se dégrader après sa construction ; des travaux furent effectués en 1892 et 1893 pour une somme de 4 000 francs environ. Une autre restauration a été nécessaire en 1984. Au-dessus du porche principal, a été placé le blason du pape Pie X qui a réalisé le pontificat le plus long de l'histoire (1846 à 1878).
Le bas-côté, du XVIe, est orné par de belles consoles sculptées de motifs représentant l'un des feuilles, l'autre des poissons disposés en triangle, un troisième une chauve-souris, et le dernier un griffon becquetant la tête d'un dragon dont le corps a disparu. L'intérieur comporte également deux beaux tableaux : un Christ en croix et une Nativité, accompagnés d'un bénitier dont la coupe, de forme ovale, avec des arabesques, une tête d'ange ailée et de longs oves sculptés, repose sur un piédestal carré, orné d'un blason et daté de 1609. Mais le fleuron du trésor artistique de Saint-Pierre de Tresses est sans aucun doute une statue en pierre d'une Vierge à l'Enfant, œuvre de la fin du XIVe ou début du XVe. C'est la «Vierge à l'oiseau», l'enfant tenant une colombe, blottie dans ses mains ; on a voulu y reconnaître le symbole de l'âme des fidèles figurée sous cette forme. D'après les notes manuscrites de Léo Drouyn (Vol 1 - page 170), cette statue qui était autrefois polychrome, proviendrait de l'église d'Artigues.