FRED ZELLER

Fred Zeller (1912, 2003),  peintre et homme d'Etat

Entre 1944 et 1947 environ, Fred Zeller  fait  plusieurs  séjours  à Saint Denis d'Orques;

"Il se retire une année dans la forêt de Sillé-le-Guillaume [ en fait c'est le bois des chartreux, où il loue  en  1947 la maison  du 14 rue du bois joli appartenant à  Christiane de La HAMONAYE, écrivaine ] où il va peindre de nombreux tableaux de paysans et de braconniers dont “Le repas de noces à Saint-Denis-d’Orques” “Le bal de la Sainte-Cécile”, “Les braconniers dans la forêt”, “La centenaire de Nieul-L’Espoir”. Il est alors influencé par Pieter Brueghel et Jérôme Bosch. "

(source http://www.fredzeller.fr/biographie/ )

Merci  à  Mr Michel Baudry  pour  les  photos  et  extraits  du  livre de Fred Zeller

Le repas de noce 
La procession de la Fête-Dieu (1946)
 Dessin péparatoire à  "La kermesse populaire"  
Le bal de la Sainte-Cécile
Banquet paysan

 La période dionysienne  par F.Zellerextrait de son livre  "TEMOIN du SIECLE(parution 23 Février 2000, ed. Grasset)  

Pendant l'occupation, j'allais parfois au ravitaillement dans un petit village perdu de la Sarthe, à la lisière de la forêt de Sillé-le-guillaume. D'accord avec Berthe, je décidai de m'y retirer seul, pour prendre mes distances avec mes camarades, faire le point et dégager de nouvelles perspectives de vie.

Mes amis Génand, hôteliers à Saint-Denis-sur-Sarthe, m'ont trouvé une villa libre au milieu d'un grand jardin. Je m'y installe pour l'hiver. Le village est perché sur une hauteur, au milieu de prés piqués de pommiers et truffés d'étangs étincelants au soleil. La forêt sauvage et mystérieuse s'étend à perte de vue. Là, j'espère trouver l'apaisement.

Les rares commerçants ne courent pas après la clientèle. Ils n'ont nul besoin d'une publicité tapageuse et mensongère pour vendre leur viande, leurs légumes et leurs fruits ou le cidre de leurs pommiers. Ici, on se contente de ce qu'on a et l'on est heureux. La rivière n'est pas encore polluée. Les étangs regorgent de brochets, de carpes et de perches. Quand on va à la chasse, on revient le carnier plein. Perdues au bout des chemins creux, les fermes sont habitées par des gens simples qui ne parlent que de ce qu'ils connaissent bien : le temps, les récoltes, les bêtes.

La gare est loin. Deux cars deux fois par semaine pour Le Mans  , à 50 km. Tout est réuni pour que je retrouve mon équilibre. Je vais peindre du matin au soir, sans espérer de récompense, mais le dos au mur. 

J'éprouvais un immense besoin de changer de vie et de milieu, d'oublier les théoriciens en chambre, les donneurs de conseils gratuits, les péremptoires, tous ces purs produits d'une société frelatée qui tournent en rond et se retrouvent à leur point de départ avec la prétention d'avoir abattu des kilomètres. Le besoin aussi de retrouver les joies et les peines authentiques d'hommes réglant leurs problèmes de tous les jours en fonction d'un rude bon sens à défaut d'un grand savoir. Le besoin de me fondre dans la nature, de me mêler à des gens simples et de traduire leur vie et leurs coutumes avec mon langage à moi et mes couleurs. J'allais être servi !

Présenté par ceux que j'avais rencontrés lors de mes précédents séjours à Saint-Denis, j'eus vite fait de connaître tout le monde une bonne lieue à la ronde. Il n'y avait pas de vrais pauvres à Saint-Denis parce que personne n'avait de gros besoins. Les fermes, malgré les redevances à verser aux propriétaires, laissaient d'honnêtes bénéfices à leurs locataires. On mangeait à sa faim, on élevait sa famille dans un microcosme pittoresque dont le guide et le conseiller était le notaire, un bonhomme aussi retors et madré que ses clients, affligé d'un bec-de-lièvre et d'une femme que chaque bal de la Sainte-Cécile secouait de sanglots interminables au souvenir de son premier flirt.

Chaque samedi après le dîner, il y avait veillée chez l'un, chez l'autre, comme jadis, et les habitués ne la manquaient pour rien au monde. Car les distractions étaient rares en dehors de la fête annuelle, des répétitions de la fanfare et de la soirée du patronage. Le personnage central de la veillée était la mère Ulache. La soixantaine bien tassée, cette forte femme portait perruque châtain clair d'où dépassaient quelques mèches blanches. Elle attirait d'abord chez elle toutes les commères du village, leur faisait tailler bavette autour d'une tasse d'orge grillée versée d'une vieille cafetière rouge, enregistrait tous les ragots, les recoupait, tissait le tout et livrait sa gazette toute fraîche aux veillées.

En règle générale, je partais le matin à bicyclette avec mon attirail de peinture et un casse-croûte et je travaillais dans la campagne ou la forêt jusqu'au coucher du soleil. Un matin, je rendis visite à Bougeaud qui m'avait invité à peindre sa ferme et à voir ses bêtes. Un curieux homme, illettré mais pas sot. Un gros travailleur qui faisait tout lui-même, qui aidait ses bêtes à mettre bas et qui ne recourait qu'exceptionnellement au hongreur.

Il était accroupi dans l'écurie, près de sa jument dont le ventre avait gonflé. L'animal hennissait et haletait à faire pitié.

— Ah ! mais qu'est-ce qu'elle a pu bouffer, cette sacrée carne ?... Trop de farine... ou trop d'avoine ?... Peut-être qu'elle a la colique-Mais non justement, elle est constipée : pas un crottin depuis deux jours.

Et il se met à palper et à masser le ventre de la bête qui se trémousse, gémit et soudain écarte ses jambes arrière en lâchant un énorme pet à faire croire à une explosion dans une carrière.

— Tiens donc, dit Bougeaud, la v'ià qui a des gaz. Si j'savions qu'en pétant ça la soulage, j'passerais bien ma nuit à tout lui sortir. Ça éviterait d'appeler l'hongreur. Ces bandits-là, ils prennent tout de suite deux cents balles comme un sou. Sans compter tous les ingrédients qu'ils te refilent... Avec toutes les maladies nouvelles qu'ils découvrent...

A mon retour, la nuit était superbe sur la grande route qui monte en longeant le château du Coudray. Je ne me lassais pas d'admirer le grand étang où la lune étincelait comme un gros diamant. Les peupliers qui bordaient l'eau s'élançaient à contre-jour à l'assaut du ciel en se balançant à peine. Que cette nuit d'octobre était douce et calme avec les appels des grenouilles et des crapauds... Je me retournais dans la direction de Falaise. Dans le lointain, une lueur clignotait vers la ferme à Bougeaud. Il avait refusé l'installation électrique parce que son père et son grand-père s'en étaient bien passés toute leur vie. Il allait et venait avec sa lanterne sourde. Peut-être finirait-il par sauver tout seul sa jument...

Personnage éminent de Saint-Denis,  Casimir le  facteur.  Adjudant en retraite de la coloniale et alcoolique invétéré. Tous ceux qui avaient la bonne fortune de recevoir une lettre lui donnaient «  sa petite récompense  »  et,  sur les 5 heures,  Casimir rentrait de sa longue tournée hors du bourg, rond comme une bille. Son vélo dessinait des zigzags impressionnants d'un bord à l'autre de la route et rasait les fossés, mais Casimir ne mettait jamais pied à terre. Ses prouesses faisaient la joie des gamins qu'il croisait. Les autres l'attendaient, à la sortie de l'école, près de la Poste. Ils le voyaient arriver de loin, ahanant sur son vélo mais toujours bien en  selle.  Ils  agitaient bérets  et mouchoirs  et hurlaient en chœur : « Vas-y Pélissier ! Vas-y Pélissier ! »

II y a ainsi des noms qui illustrent une profession de génération en génération. Carpentier pour la boxe. Deibler pour la guillotine, Borniol pour les enterrements.

Casimir ne se fâchait pas. Depuis belle lurette il riait plus fort que les autres. Il poussait la coquetterie à sprinter dans les derniers mètres, en brandissant à bout de bras le képi à rosette tricolore dont il n'était pas peu fier, mais il achevait régulièrement sa course les quatre fers en l'air, sous les ovations des gosses qui, charitables, l'aidaient à se relever et le poussaient clopin-clopant jusqu'à la Poste.

Le Dr Hureau avait pris sa retraite avant 1939, mais la mobilisation et la captivité de son successeur l'avaient remis en activité.

— Un bien pour un mal, disait-il. Avec la vie chère et la modicité des rentes, nous serions morts de faim. Nous avions pourtant l'espoir d'une fin de vie heureuse quand nous nous sommes retirés, ma vieille Didine et moi, dans la petite maison de ses parents sur la roule de Sainte-Suzanne. J'avais fait construire au fond du jardin une immense volière, derrière un grand bassin plein de poissons rouges et de plantes aquatiques. Dans la volière, j'avais aménagé une serre, avec des fleurs exotiques et des plantes grasses. Mes oiseaux les plus rares s'y réfugiaient l'hiver quand la température était trop rude.

« C'était un petit paradis. Je possédais des variétés inestimables, «ne collection peut-être unique en France après celle du Jardin des Plantes. Les couples les plus rares, aux coloris les plus merveilleux, gazouillaient à longueur de journée. Toutes ces petites bêtes avaient appris à nous reconnaître. Elles demandaient un travail considérable : les soins, le nettoyage... Bah, au fond, nous n'avions rien d'autre à faire...»

« Vous savez, moi, je n'ai pas ma langue dans la poche. Je suis un vieux laïque, radical bon teint. Je ne transige pas sur les principes. C'est moi qui ai défriché ce secteur jadis, quand il n'y avait que des coups à recevoir. Alors, on se fait forcément des ennemis, même parmi ceux qu'on soigne... ou qu'on sauve.»

« En 1940, quand j'ai entendu le vieux Pétain ânonner son discours de capitulation, j'ai été abasourdi comme tout le monde. Mais quand j'ai vu Herriot et Jeanneney l'accompagner dans la trahison, je me suis mis en rogne. J'ai fait un foin du diable, un dimanche malin sur la place de l'Eglise, j'ai traité comme ils le méritaient les Jean-fesses de la mairie, ces vieux chouans cléricaux, pétainistes et collabos. Ah, mon ami, quelle salade .'... « Et les Allemands sont très corrects... Et ici on ne les voit pas... Alors, docteur, vous êtes avec les terroristes maintenant ? C'est du propre, des bandits, des assassins qui nous ont amené le Front populaire... »

« J'ai cru avoir un coup de sang. J'avais tout le monde contre moi. Quand je leur parlais des otages fusillés par les Fritz, ils répliquaient, ces canailles, qu' « aucune armée occupante ne pouvait tolérer des attentats contre ses soldats », que  c'était bien fait  et qu'on n'avait qu'à se tenir tranquille . Aucun sentiment national chez ces réacs, Evidemment à la Libération, on a foutu en l'air cette municipalité de pourris et de pétainistes, et une délégation spéciale a été désignée par la préfecture. Eh bien, aux élections municipales suivantes, toute la liste de l'ancien maire est repassée au premier tour. Incroyable, n'est-ce pas ?... Je vous le demande, que voulez-vous faire avec des couillons pareils ?  »

« Figurez-vous que, peu après l'altercation publique, il me semble, une nuit, entendre un bruit insolite dans le jardin. Nous nous rendormons pourtant, ma vieille et moi, en pensant que ça pouvait venir de chez le voisin. C'est au matin que l'on s'est aperçu de l'affaire. Didine accourt, affolée, en hurlant : « Arsène ! Les méchantes gens !... Nos oiseaux !... » Je cours de toutes mes vieilles jambes au fond du jardin. On avait découpé un grand panneau du grillage de la volière et cassé des carreaux. Naturellement la plupart des oiseaux s'étaient envolés. Ce jour-là, monsieur, j'ai tout perdu d'un seul coup. Ma vieille Didine en est morte de chagrin. Je ne sais pas vous dire ce que je ressens, mais j'ai l'impression que c'est sans doute ce qu'il y avait de meilleur dans mon pays qui s'est envolé avec mes oiseaux...».

Je m'installe une fois dans le parc du château de Sainte-Suzanne, inhabité à cette époque de l'année, quand survient le garde-chasse, attiré sans doute dans mon coin par son chien. Casquette réglementaire à cor de chasse doré, vareuse, bottes, fusil en bandoulière, grosse moustache poivre et sel et allure martiale. Il le prend de haut, fait les gros yeux et me somme de déguerpir. Dès que les gens ont un képi sur la tête...

Je m'explique. Toutes les fenêtres du château sont fermées. Pas un bruit à l'entour, pas un signe de présence. Un coin du mur d'enceinte est éboulé et je me suis permis... Je ne fais de mal à personne, et mon. travail terminé... Bref, le bon serviteur se laisse amadouer et on se met à bavarder.

— Ah ! vous êtes de Paris ? Eh bien, si cela ne vous ennuie pas, j'aimerais que vous veniez prendre un verre à la maison après votre travail. Ça fera plaisir à ma femme qui a été femme de chambre à Paris. Elle est au lit avec de l'hydropisie et le médecin vient tous les deux jours lui faire des ponctions. Pourtant, elle n'était jamais malade. Quelle malchance !

J'accepte le verre et me voilà parti vers les dépendances. En haut d'un escalier branlant, il y a une grande pièce et du feu dans la cheminée. Dans son lit de plumes, la femme, la soixantaine et le teint rosé, des cheveux blancs encadrant un visage sans rides, est affligée d'un ventre énorme qui soulève le drap de façon impressionnante. Très heureuse de ma visite, elle me parle de Paris et égrène ses souvenirs. En redescendant, je croise le garde.

— Alors ? Vous l'avez vue ? C'est terrible...

Je le réconforte de mon mieux en lui promettant de revenir la saluer, si je passe dans les parages. Je reviens quinze jours après. Son état ne s'est pas amélioré et elle me dit : « Je me fais du mauvais sang, je file un mauvais coton. Si je disparais, que deviendra mon pauvre Léopold ? Lui, il a une santé de fer mais quand même, tout seul... » Je vais passer les fêtes de Noël en famille à Paris  et je lui promets de venir la voir à mon retour.

A  Paris,  mes  amis  Beaufrère,  Parisot,  Guikowaty,  Demazière, Dalmas sont très déçus par le cours des événements. La politique aventuriste des dirigeants communistes démoralise les masses  et isole le parti, que Jdanov a vivement attaqué en septembre 1947 «  pour  avoir  gravement  dévié  vers  l'opportunisme   et  le  parlementarisme ». Côté socialiste, l'absence de perspectives audacieuses a ruiné les efforts du courant de gauche pour créer une république démocratique et sociale. Le groupe parlementaire fait fi des décisions  du  comité  directeur.  Un certain nombre  d'intellectuels  en rupture de partis,  des personnalités  de  gauche  et  des  militants isolés   se   sont   engagés   (une   fois   de   plus)   derrière   Jean-Paul Sartre et David Rousset dans le R.D.R. (Rassemblement Démocratique Révolutionnaire). « Nous sommes des millions qui cherchons le même chemin », proclamait le manifeste. Hélas, ce « rassemblement » ne mène nulle part.

Je retourne dans ma forêt à Saint-Denis, et je vais voir mes deux vieux de Sainte-Suzanne. Stupeur : la femme sort son petit âne de l'écurie, elle est mince comme un fil ! Je la complimente sur sa bonne mine et son prompt rétablissement. Elle sourit tristement : « Oh ! oui, je suis tirée d'affaire, mais c'est mon vieux Léopold qui est mort... »

La Sainte-Cécile, c'est chaque année la fête de la commune. Des fermes d'alentour, on accourt à pied ou en carriole vers l'immense tente dressée sur la place aux tilleuls. Les paysans sont sur leur trente et un. Les hommes dans l'habit de leur mariage, les femmes en robes de cérémonie rafistolées. On sort de la guerre, les restrictions se prolongent et l'on n'a pas renouvelé les vêtements. Peu importe.   Entraînée   par   deux   accordéons   et   un   saxo,   la   foule bigarrée et pittoresque des jeunes et des vieux tournera à perdre baleine comme aux beaux temps  des fêtes villageoises  de jadis. Mais la Sainte-Cécile, c'est aussi l'occasion de célébrer, la veille de la fête,  les noces des enfants privilégiés des bonnes familles paysannes. Ça commence par un repas pantagruélique qui dure la majeure partie de la nuit et sur lequel toute la noce enchaîne le bal communal du lendemain.


Celle année-là, les Dupuy, paysans de Sainte-Suzanne, mariaient leur fille au gars des Pontlevé, les gros fermiers de Saint-Denis. J'étais invité et je ne l'ai pas regretté. Rien n'était plus drôle que ces paysans en goguette, allumés dès avant le repas servi sous la grande tente qui, le lendemain, servirait au bal et dont les familles et la commune partageaient ainsi les frais.

Quatre-vingts postérieurs se serrèrent sur les bancs autour des tables à tréteaux. Grands-parents, oncles, tantes, neveux, nièces, cousins et cousines des deux familles s'apostrophaient joyeusement. Nul n'ignorait que les Dupuy avaient livré au patron de la Boule d'Or, responsable du banquet, deux moutons, soixante poulets, 50 kilos de farine, 25 kilos de carpes, 20 kilos de lard, deux énormes jambons, 20 litres de lait, 10 kilos de beurre, 4 litres de crème fraîche, des douzaines et des douzaines d'œufs, sans oublier trois barriques de côtes-du-Rhône et autant de cidre.

On les avait photographiés à la sortie de l'église. Sur trois rangs d'oignons. Le premier assis, le deuxième debout, le troisième juché sur des bancs. Le frac du père Pontlevé craquait aux entournures et sa femme avait ajouté une pièce au fond du pantalon pour qu'il puisse entrer dedans. Le maire et le curé trônaient en invités d'honneur, et aussi le notaire, sa femme et leurs deux filles, deux mijaurées, les seules à être tirées à quatre épingles, en robes achetées à la ville et le petit doigt en l'air.

La journée passa à bâfrer, chanter, boire et bien rire. Le ton montait inexorablement à la cacophonie égrillarde. Le boucher, à son habitude, pelotait les fesses de ses voisines qui gloussaient. Le fils Dtivivier, debout sur une chaise, éructait des chansons à faire rougir un régiment de grenadiers. Le marié et son garçon d'honneur étaient sortis pisser dehors, quand la jeune épousée poussa un cri effarouché et se leva brusquement pour regarder sous la table. Un convive s'y était glissé et, sous prétexte de lui ôter sa jarretière suivant les vieilles coutumes de village, lui avait fourré la main dans la culotte. Rires frénétiques de l'assistance, tandis que la mariée pourchasse l'audacieux autour des tables, avant de finalement enclencher un disque sur le phonographe, organiser une danse du tapis et... faire pipi devant tout le monde. Ma voisine, la femme du serrurier Daudier, me dit avec indulgence : « Eux, au moins, ils ne font pas de chichis. Toute la journée, ils sont près de la terre et des arbres, au milieu de leurs animaux. Ils font les choses un peu comme eux, sans penser à mal. Ils gémissent toujours de père en fils, ils sont près de leurs sous, mais on les aime bien... »

J'ai revu pousser les feuilles aux arbres, assisté au retour des  hirondelles, appris la mort de Gandhi par le docteur, en le croisant sur la route.

— Une bien grande figure, me cria-t-il, une bien belle mort !

Je suis allé saluer tous mes amis avant de quitter Saint-Denis. Je ramenais à Paris de nombreux tableaux : « La noce devant le photographe», « le repas de noce », « le bal de la Sainte-Cécile », « les bûcherons », «les brigands », «les braconniers », « la combe aux fées », « la caverne des contrebandiers », « vive la centenaire >, « la procession de la Fêle-Dieu », « ma jeunesse est morte », « la kermesse populaire », et de nombreux dessins et aquarelles.