L'Eglise Saint Pierre de Rouillac
Rouillac fut le siège d’un archiprêtré du diocèse d’Angoulême. Il comptait quatorze paroisses et fut recomposé en 1761 en neuf paroisses, Rouillac, Bonneville, Saint-Cybardeaux, Échallat, Genac, Gourville, Hiersac, Mérignac et Moulidars.
L’église paroissiale Saint-Pierre fut construite à partir de la fin du XIe siècle et les parties orientales de l’église, à partir de la croisée du transept, furent reconstruites au milieu du XIIe siècle. Sa façade occidentale fut reconstruite au XIVe siècle.
Au XVIe siècle, une chapelle fut construite par Charles de Saint-Gelais, archiprêtre de Rouillac et seigneur du Breuil entre la troisième travée nord de la nef et le transept nord. Elle fut détruite en 1811. L’église fut endommagée lors des guerres de Cent Ans et des guerres de Religion, comme la plupart des édifices de cette région. En 1562, le clocher, les voûtes de la nef et le transept nord furent détruites. En 1581, l’église fut restaurée. Une campagne de travaux fut réalisée de 1740 à 1749. Une restauration complète de l’édifice fut menée entre 1880 et 1886, sous la direction de l’architecte Édouard Warin (1837-1911), élève et successeur de Paul Abadie, inspecteur diocésain et architecte du département.
L’église Saint-Pierre est classée sur la liste des Monuments historiques depuis 1910. Les dernières restaurations datent de 2012-2015 menées par l’architecte en chef des Monuments historiques Denis Dodeman. Désormais, les charpentes ont été mises hors eau (unification des tuiles), la charpente de la nef ne repose plus sur la voûte de la nef, l’intérieur de l’édifice a été mis en valeur avec l’atténuation du marquage des murs de faux joints en creux rougis dans la masse, installé lors de la restauration d’Édouard Warin, enfin, les façades extérieures ont été restaurées.
Un tour à l’intérieur…
L’église présente un plan en croix latine composé d’une nef de trois travées, prolongée par une croisée du transept encadrée de transepts rectangulaires ouvrant sur une absidiole semi-circulaire, à l’est. L’édifice se termine à l’est par une abside en hémicycle profond.
Selon Sylvie Ternet[1], la nef daterait de la fin du XIe siècle. Probablement charpentée à l’origine, elle n’aurait été voûtée que dans la seconde moitié du XIIe siècle. La nef est rythmée par des demi-colonnes engagées, toutes sont couronnées de chapiteaux ornés, soutenant des doubleaux. Les éléments sculptés présents sur les chapiteaux se développent sur de grandes corbeilles semi-lisses, présentant sur les angles des masques humains aux visages imberbes et au menton en galoche, ou de simples représentations de fruits à deux boules. D’après Sylvie Ternet, ces œuvres ne peuvent être antérieures à la construction de la cathédrale d’Angoulême, c’est-à-dire du milieu du XIIe siècle.
D’après Sylvie Ternet, les parties orientales de l’église à partir de la croisée seraient une reconstruction datant du milieu du XIIe siècle. Au niveau de la croisée du transept, on remarque en effet un large contrefort plat qui pourrait être un raccord effectué au moment de cette reconstruction (visible plus aisément à l’extérieur). La croisée du transept est couverte d’une coupole sur pendentifs. Ce type de voûtement se développa largement dans la région après la construction de la cathédrale d’Angoulême qui servit de modèle à de nombreux édifices après 1130.
L’abside est animée de six colonnes aux bases formées d’un seul tore, portant cinq arcades percées d’une fenêtre à claveaux mince et un ébrasement profond. Chaque ouverture est cantonnée de deux colonnettes aux chapiteaux lisses.
Les deux transepts s’ouvrent, à l’est, sur une absidiole, couverte en cul-de-four construite en moyen appareil, éclairée par une baie très ébrasée. La baie de l’absidiole sud est cantonnée de colonnettes dont les petites corbeilles présentent des motifs de petites feuilles sèches, très serrées, lisses ou dentelées, rappelant les productions de la seconde moitié du XIIe siècle. Le bras de transept nord et absidiole nord ont été restaurés au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, par l’architecte Édouard Warin.
Puis à l’extérieur…
D’après Sylvie Ternet, la véritable façade principale de l’église est à l’extrémité du bras sud du transept. Construite en moyen appareil régulier, son niveau inférieur est animé de trois arcades dont deux aveugles. Au centre, le portail est surmonté d’un arc à double rouleau reposant sur des colonnettes aux chapiteaux lisses. Les bases sont à tores multiples (superposition de grosses moulures rondes appelées boudins) se composant d’un tore inférieur débordant. Cet élément est également caractéristique du milieu du XIIe siècle. Des dessins gravés dans la pierre appelés signes lapidaires sont visibles sur une colonne du portail sud (croix). Il pourrait s’agir de marque de tâcherons, indiquant l’assemblage des pierres de parements….
Le clocher de forme octogonale, qui domine le bourg, est d’une forme assez rare en Angoumois[2]. Il est construit sur une souche carrée, surmontée de deux étages octogonaux. Sylvie Ternet s’interroge sur cette transition brutale entre la souche carrée du clocher et ses étages. Y aurait-il eu un changement de parti au cours de la construction ou s’agit-il d’une simple reprise plus tardive?
Au sud de la nef, la tourelle d’escalier permettait d’accéder au clocher, ainsi qu’à une petite salle haute aménagée lors de la fortification de l’église durant une période de troubles (guerre de Cent Ans ou guerres de Religion).
La façade ouest a été reconstruite au XIVe siècle. Selon Sylvie Ternet, il est possible que lors de la reconstruction de la façade, la nef ait été réduite d’une travée. En effet, à quatre mètres à l’ouest de la façade actuelle un mur ancien existe encore. Il est rigoureusement de la même largeur que la nef et présente deux ouvertures remaniées, une porte basse en plein cintre désaxée, une fenêtre haute rabaissée et une baie renaissance ajoutée en bordure de l’ancien pignon. La baie haute de la façade occidentale avec son remplage flamboyant daterait du XVIIe siècle.
Le soubassement de l’abside et de l’absidiole nord a été reconstruit au XIXe siècle, pour renforcer leur base lors de la construction de la route, qui passe désormais en contrebas de l’édifice[3] (comme à Montmoreau).
[1] TERNET (S), Les églises romanes d’Angoumois, tome 2, Croît Vif, 2006 et conférence « balade romane en Rouillacais », 2014, Saint-Cybardeaux.
[2] Exemples : les églises de Torsac, Plassac, l’église Saint-Jean de La Couronne
[3] TERNET (S), Les églises romanes d’Angoumois, tome 2, Le Croît Vif, 2006.