RÉPARSAC EN « PAYS BAS CHARENTAIS »

Réparsac en « Pays Bas Charentais »

La région ainsi dénommée est une basse plaine qui s'étend au nord de Cognac en débordant largement à l'ouest, en Charente Maritime, jusqu'aux portes de Matha et Burie.

Sur cette zone de « plat pays » un territoire, limité à 9 communes : Bréville, Houlette, Courbillac, Sainte-Sévère, Réparsac, Nercillac, Boutiers, Julienne et Chassors.

Ce territoire compte 10 450 hectares, il s'est constitué une « association de mise en valeur de son agriculture » en 1956-57.

Pour quelle raison et comment ?

Des terres baptisées « infernales »

« L'enquête économique fait apparaître que la surface de ces exploitations agricoles (du pays bas Charentais) dont la mise en valeur est sérieusement contrariée par l'inondation, quasi systématique tous les hivers, d'environ 23 % de leur superficie totale ».

Ce constat, révélé en Avril 1957 par le « bulletin de la Société Française d'économie rurale », est loin d'être un scoop pour les agriculteurs de Réparsac pénalisés par des terres baptisées « infernales », ou encore « en mauvaise prise permanente », en raison des difficultés rencontrées pour « leur aération et leur ameublissement ».

Un réseau complet de drainage

Il faut dire que dans le passé, avant la crise phylloxérique de la fin des années 1800, un réseau complet de drainage avait été établi permettant, grâce à un entretien régulier, l'écoulement des eaux vers nos deux rivières : la soloire et le tourtrat.

Venue de Sonnac, la rivière nommée « Sonnoire » jusqu'à Bréville, devient « Soloire » lorsqu’elle va rejoindre, par Sainte-Sévère, Réparsac et Nercillac, la vallée de la Charente à Boutiers Saint Trojan. Sur 39,4 kilomètres elle serpente au travers des prairies, des friches et des broussailles avec une très faible pente estimée à un peu plus de 2 mètres par kilomètre.

Nous sommes à une époque où une majorité d'agriculteurs estiment que « les céréales doivent procurer le pain quotidien et payer les engrais, l'élevage assurer les besoins de la maison et la vigne fournir les bénéfices ». (1)

Le vignoble, en vertu de cette conception « gestionnaire », devient privilégié dans « l'aménagement du territoire » : l'inondation des vignes comme remède contre le phylloxéra.

Car les expériences effectuées dans le midi de la France sont activement exploitées : à savoir la submersion des parcelles et le déplacement des plantations viticoles vers les zones humides.

Alors les vignerons Charentais s'emploient à combler les fossés, à détruire, en quelque sorte, l'immense travail d'assainissement des sols réalisé par leurs ancêtres. Ou du moins ce qu'il en reste.

Ils ne peuvent pas savoir, comme leurs collègues du midi, que les résultats positifs obtenus dans un premier temps sont provisoires dans la longue durée. Car la situation est inédite.

Certains parlent de « Cité lacustre »

« Nous faut-il admettre l’existence, en des temps que nous ne pouvons évaluer, de vastes étangs couvrant de leur nappe liquide le Pays bas du Cognaçais.

Certains parlent même de « Cités lacustre » sans toutefois le pouvoir prouver de façon précise.

Mais les silex tant taillés que polis nous montrent par contre, sans que l'on puisse en douter, que les hommes du paléolithique et du néolithique ont bien vécus sur notre sol ». Ce texte de Pierre Martin Civat, de l'académie française, tiré de son livre « Le Cognaçais pittoresque » (1972) n'est pas sans lien avec la nécessité impérieuse de développer un plan d'assainissement des terres de notre région en 1957. (3)

Car tout le système de drainage, volontairement détruit et abandonné durant prés de deux générations est devenu complètement inutilisable. Sa réfection ne relève plus des moyens individuels à la disposition des agriculteurs.

Seuls, les pouvoirs publics peuvent en prendre l'initiative.

Quelque cris d'alarme en 1930

Alors, quelques cris d'alarme sont poussés, sans aucun résultat, par les municipalités du « Pays Bas » en 1930. Il faudra attendre 1945 pour qu'un certain nombre d’agriculteurs prennent conscience de l'effet gravement stérilisant des inondations hivernales.

D'autant que notre région est caractérisée par un excessif morcellement des terres. « Les parcelles de 30 à 50 ares sont les plus fréquentes. Avec un habitat groupé au bourg, les temps passés dans les trajets de la ferme aux champs sont élevés. En conséquence, le remembrement constitue la phase préalable à toute politique rationnelle d’assainissement et de redressement agricole ». (1) Il interviendra plus tard, mais éliminera les terres viticoles de son champ d'application.

Répartition des exploitations par classes de superficies Pays Bas Charente – 1942-1946 (9 communes)

Catégories

Moins de 5 hectares

5 à 10 hectares

10 à 20 hectares

20 à 40 hectares

40 et plus

Total

Nombre d'exploitations

275

208

229

79

15

806

En pourcentage

34,00%

26,00%

28,00%

10,00%

2,00%

100,00%

Source : « Économie rurale » 1957

Un autre handicap est fortement souligné au cours de l'enquête de 1957, révélant que « la rémunération de la main d’œuvre et du travail de l'exploitant agricole est considérablement plus faible que celle des ouvriers travaillant dans les camps américains de la zone ou au service de l'hôtellerie de la côte Atlantique... » (1)

En conséquence les salariés de l'agriculture sont à la fois rares et dépourvus (à cette époque) de qualification professionnelle.

Huit coopératives de matériel agricole

Selon la direction du « génie rural » notre pays Bas Charentais se situe, en 1956-57, parmi les régions les plus motorisées du département de la Charente : 127 tracteurs, soit un tracteur pour 5 exploitations. Surtout, les huit coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) démontrent un esprit d'entraide assez développé.

Celle de Réparsac (1948-1963) comprend 53 agriculteurs adhérents, soit la quasi totalité.

En fait la coopération a favorisé la transition entre de trop petites exploitations en fin d'activité (la grande part des moins de 10 hectares) et celles de dimension supérieure.

Sachant, exprime cette étude, que seulement 25 % de la classe des 10 à 20 hectares ont un revenu agricole par travailleur pouvant atteindre, à cette époque, 300 à 350.000 francs, correspondant au salaire d'un ouvrier d'usine. Et, de ce fait, peuvent encore espérer une pérennité.

  • L’élevage fonde l'économie agricole

Les surfaces consacrées aux productions animales atteignent leur apogée dans les années soixante, avec 54 % de la surface agricole utile : 104 000 vaches laitières pour le département de la Charente, mais à peine plus de la moitié en 1985.

Évolution du troupeau de vaches laitières dans les Charentes (1963-1985)

 

1963

1969

1977

1985

Charente

104000

81157

69000

54000

Charente Maritime

152000

130000

95000

56000

Source DDA

A Réparsac, plus qu'ailleurs, le nombre d'exploitations sans vache laitière est dominant

C'est que depuis la fin du 19ème siècle, les Charentes ont fondé leur économie agricole sur l'élevage.

Cette situation a sûrement inspiré le plan d'aménagement du « Pays Bas » : « La production fourragère intéresse plus de la moitié de la superficie agricole. C'est sur cette production qu'on peut le plus rapidement enregistrer un redressement, un bouleversement même, (1) « lit-on dans son rapport d’orientation. On ne sait pas encore ce que réserve « le grand tournant » des années 1960.

  • « Le grand tournant des années 1960 » (2)

Cette expression de Gilles Bernard (dans son deuxième tome sur « le Cognac ») souligne « le vent de renouveau qui bouleverse les Charentes, enregistrant une rapide modernisation des exploitations et une importante ouverture sur les marchés extérieurs ».

A titre indicatif, quelques chiffres illustrent « le grand tournant » :

- « Le parc des tracteurs passe en Charente de 5 847 en 1955 à 22 894 en 1979 ».

- « Ce même département compte 300 moissonneuses batteuses en 1955, elles passent à 1812 en 1970 ».

- « La machine à vendanger demeure la grande révolution des années 1980 ».

- « De 1955 à 1975, la fertilisation des sols passe de 22 kilos/hectare d'engrais à 147 kilos ».

- « En 20 ans les rendements céréaliers sont multipliés par 2,5 ».

- « La production de vin double en volume, elle se rapproche de 90 hectolitres/hectare ».

- « En alcool pur, la croissance est supérieure à 50 %, avec des moyennes à 6 et 7 hecto/hectare, et des pointes à 12 ».

- « De 1958 à 1972 les exportations de Cognac triplent, passant de 91 433 hectolitres d'alcool pur à 268 156 ».

- « La superficie moyenne des exploitations double entre 1955 et 1980 : de 15 à 30 hectares ».

- « De 1955 à 1969 le quart des exploitations agricoles disparaît ».

En conclusion, durant trois quarts de siècle, nos campagnes « en Pays Bas » ont fondé leur agriculture sur la diversité des productions.

Les années 1960 signent le début d'une régression très sensible des élevages laitiers, et donc des surfaces consacrées aux productions animales.

Progressivement le vin chasse le lait : production astreignante et moins rémunératrice.

De 1958 à 1972 un triplement des exportations de Cognac encourage le développement de la viticulture. Et malgré les aléas, telle la chute des ventes des années 1990, le « Pays Bas Charentais » et Réparsac en particulier, ont fait le choix du Cognac.

  1. Etude « Pays Bas charentais » par R. Groussard et R. Hérault – 1957

  2. « Le Cognac à la conquête du monde » Gilles Bernard – 2011

  3. « Cognac ou le cognaçais pittoresque » Pierre Martin Civat – 1972

Réparsac en Pays-Bas (le plat pays)

Altitudes : Sonnac 38 mètres

Réparsac altitude moyenne de 20 mètres (le point culminant à la Vènerie 39 mètres, le point le plus bas au nord ouest en lisière de forêt de Jarnac 10 mètres).