1789 – LE CAHIER DE DOLÉANCES
1789 – Le cahier de doléances de la paroisse de Réparsac
Mars 1789 : La France est en effervescence. Le roi Louis XVI a décidé de réunir les Etats Généraux. Ce n'est pas nouveau : il y en a déjà eu 102. Les premiers en 1302, et les derniers en 1787. Le roi les réunit généralement lorsque le royaume de France connaît des difficultés financières. C'est le cas en 1789 : les caisses de l'Etat sont quasi vides.
C'est l'occasion pour chacune des paroisses de France de rédiger des « cahiers de doléances », pour faire connaître à l'Administration royale les thèmes à débattre lors des réunions qui se tiendront à Versailles au début du mois de mai 1789.
A Réparsac, la rédaction du Cahier est faite par un petit groupe de notables (il s'agit de ceux qui payent le plus d'impôts). Ils choisissent parmi eux 2 députés, François Petiteau et Pierre Daniaud, pour représenter la paroisse à l'assemblée primaire qui va se tenir à Jarnac.
Demandes, Plaintes et Doléances desd. Habitans de la parroisse de Réparsac soussignés, assemblés en la manière accoutumée, en conséquence de l'assignation à eux donnée en la personne de leur sindic, pour être le présent Cahier remis aux députés d'entre eux qu'ils vont nommer pour les représenter à l'assemblée généralle du Baillage d'Angoulême, relative à la tenue prochaine desd. Etats généraux ordonné par sa majesté par ses lettres données à Versailles le 24 janvier 1789, règlement y annexé et à l'ordonnance de Monsieur le Sénéchal d'Angoumois, les quels deux députés seront chargés d'exposer :
1° que laditte paroisse est extrèmement surchargée de taille et accessoires comparativement aux parroisses voisines, que le revenu de laditte parroisse ne consiste que partie en vin, et partie en grin, que la vente des vins autant difficille que peu avantageuse depuis nombre d'années, en ce que les vins sont d'une médiocre qualité, a réduit depuis nombre d'années la majeure partie desd. Habitans dans la détresse ; que quant à la récolte des grins, elle est sujette à beaucoup d'inconvénients en ce que les terres se trouvent situées dans un pays extrêmement bas et aquoitique entouré de deux petites rivières qui en deux heures de temps sortent de leur lit, et ôte par ce moyen, l'espérance aux cultivateurs d'emblaver leurs terres, ou en cas qu'elles soient porté un préjudice, non seulement à la qualité des grins mais même à la quantité ; de plus qu'un nombre de privilégiés possèdent une partie des terres qui composent laditte parroisse, qu'il y a aussi des propriétaires non privilégiés qui en possèdent également, qui résident dans les parroisses voisines, et qui par ce moyen ne payent point taille dans laditte parroisse, aggrave d'autant plus le sort desdits habitans.
2° que les droits d'aydes qu'ils payent pour leurs vins deviennent pour luy un surcroix de charges aussy gênant qu'il est pesant.
3° qu'ils en éprouvent depuis trois années un autre non moins accablant : celuy de leur corvée à prix d'argent qui ne leur étoit pas à beaucoup près autant à charge lorsqu'ils le faisoient par eux mêmes ; ils désireroient que les commissaires départis pour cela fussent supprimés et alors chaque commune fera faire sa tâche, et s'est le seul moyen pour éviter les abus et les fraudes qui ce commettent dans cette partie de l'administration, et qui sont en grand nombre.
4° qu'ils ne sont pas moins accablés par les droits presque arbitraires du controlle des actes.
5° que les jurés-priseurs occasionnent égallement beaucoup de frais, étant éloignés de six lieues, on est souvant obligé de les assigner deux fois de manière qu'ils trouveroient convenable que laditte charge fût supprimée.
6° ils demandent encore qu'il soit étably des Etats provinciaux.
7° que la répartition des impôts soit faite à l'avenir sans distinction d'ordre ny d'état, en conséquence lesdits députés sont autorisés à concourir de leurs avis pour solliciter de la bonté du Roy la suppression de tous les surdits impôts, droits et charges, et de tous autres non exprimés en ces présentes, et dont la suppression seroit jugée nécessaire en laditte assemblée généralle du Baillage d'Angoulesme. Se référant au surplus les soussignés à ce qui sera dit et demandé par les habitants de la ville de Jarnac qui est le chef lieu dont ils ressortissent, autorisant pareillement lesdits députés à consentir à l'établissement de nouveaux impôts lorsque les besoins de l'état les exigent, qui seront également répartis sur tous les biens et propriétés, offrant lesdits habitants d'y contribuer pour leur cotte part, dans la juste proportion de leurs facultés. N'ayant rien tant à cœur que de donner des preuves de leur soumission, de leur respect et de leur amour pour la personne sacrée du Roy, et de tout leur dévouement pour le bien et la prospérité de ce Royaume, autorisant aussy lesdits députés à consentir et signer tous cahiers de demandes, plaintes et doléances et procès verbaux des communications de députés qui seront faits dans laditte assemblée du Baillage d'Angoulesme.
Fait, clos et arresté le dixième mars mil sept cents quatre vingt neuf.
Signatures : Petiteau, Marchais, Bussac, Mosriteau ?, Pauc, J. Blois, J. Getrau, David, Broussain, Daniaud, F. Getrau, Blois, ???, J. Blois, David, Cauroy, juge-sénéchal de Jarnac, Ragueneau, greffier
Orig. manuscrit., 3p., gr. in-fol. Arch. dép. Charente, cote 142 B 18
Commentaires sur le contenu du Cahier
Un cahier très « classique », probablement rédigé par les habitants eux-mêmes, à partir d'un modèle pré-défini. Le texte a été retranscrit dans son écriture d'origine avec quelques tournures savoureuses (« un pays extrêmement bas et aquoitique »)
- Article 1 : Description de la situation des habitants (inondations, mauvaises récoltes, injustice fiscale).
- Article 2 : Réclamation contre la lourdeur des taxes sur les vins.
- Article 3 : Les habitants demandent que les corvées auxquelles ils sont assujettis (travaux d'intérêt général comme l'entretien des grands chemins, ou équivalent en argent) soient remplacées par des travaux pour l'entretien de la paroisse.
- Article 4 : Réclamation contre la lourdeur des droits d'enregistrement des actes.
- Article 5 : Réclamation contre le monopole des jurés-priseurs qui fixent les prix de départ des ventes aux enchères. Abolie par la Révolution, cette charge sera rétablie en 1801.
- Article 6 : Les Etats provinciaux sont des unités administratives comparables à nos Conseils Régionaux, avec des pouvoirs assez larges. La crainte des saintongeais est alors d'être absorbés par la Guyenne. Ils demandent donc la création d'un Etat provincial de Saintonge. L'histoire se répète de temps en temps...
- Article 7 : Les habitants réclament l'égalité de tous devant l'impôt, c'est à dire l'abolition des avantages fiscaux accordés à la noblesse et au clergé. C'est un des sujets qui va allumer la Révolution.
- Conclusion : Les rédacteurs rappellent leur attachement au Roi. Le rapport des français avec leur monarque se gâtera sérieusement en juin 1791, lorsque Louis XVI tentera en vain de quitter la France.
Réparsac – Procès-verbal d'assemblée pour la nomination des députés
Réunion le 10 mars 1789, au lieu ordinaire. Président : G.-Ch. Cauroy, juge-sénéchal de Jarnac, assisté de Plumejeaud, greffier.
Comparants : François et Jean Hérodeau. Pierre Blois. François Gaudon, Jean Daniaud, Pierre David, Jean Memin, Jean David, Jean David dit Jaufrois. Pierre et Jean Guérin, Pierre Petiteau, Jacques Broussin Père, Pierre Broussin, Jacques Broussin, Jean Petiteau, Jean Longueteau, Pierre Blois, laboureur, François Blois, syndic, Jean et Pierre Marquais frères, François et autre François Blois père et fils, Jean Ragnaud, François Petiteau, Pierre Foucher. Jacques et François Petiteau, François et Pierre Getreau, Jacques Delage, sieur François Pauc, Michel Martin, Jean Bussac, Pierre Daniaud, Jean Beaumont, François Broussin, Jean Broussin. Jacques Blois, Pierre Getreau, François Getreau, Jean Petiteau, Jean Motteau, Pierre Minier, Jacques Blois, Pierre Petiteau, François Reclan, Pierre et Jacques Broussin, François Sallé, François Barreau.
La paroisse et communauté se compose de 78 feux.
2 députés : François Petiteau et Pierre Daniaud.
17 signatures. Les autres comparants ne savent signer.
( Orig. manuscrit., 3p., gr. in-fol. Arch. dép. Charente, C, sans cote.)
Nota : 78 feux : on multiplie par 4,5 ou 5 le nombre de feux pour avoir le nombre d'habitants, soit entre 351 et 390 habitants en 1789. En 1861, en plein âge d'or du cognac la population montera à 560 habitants.
Les Cahiers de doléances des paroisses de Charente sont accessibles sur le site des Archives Départementales à l'adresse http://archives.lacharente.fr/r/3/archives/