COOPÉRATIVE
« Coopérative de battage et de motoculture de Réparsac »
1948 - 1963
● Du cheval au tracteur
Jusque dans les années cinquante, les chevaux et les boeufs tirent la charrue, la charrette, la faucheuse, la moissonneuse… et même la chaudière à vapeur qui se déplace de ferme en ferme, pour actionner la batteuse (ou vanneuse) à céréales. Mais au sortie de la seconde guerre mondiale (1939-1945) l’agriculture s’organise et se modernise : elle doit produire plus et mieux pour nourrir les français. La traction animale va progressivement laisser sa place au tracteur : il faudra moins d’avoine et plus de pétrole !
Mais dans les régions de petites exploitations, c’est le cas de Réparsac, le coût de la mécanisation individuelle la rend inaccessible pour la plupart des agriculteurs.
● L’entraide : une tradition paysanne
Ils vont donc coopérer pour acquérir et utiliser ensemble les nouveaux équipements agricoles motorisés.
C’est l’objet de la loi du 12 octobre 1945 qui fonde les « CUMA » (Coopératives d’Utilisation de Matériels Agricoles).
Avec l’appui des pouvoirs publics, elles permettent l’accès aux matériels du « Plan Marshall ». Point n’est besoin de « révolution culturelle »
pour apprendre à travailler en groupe : l’entraide entre paysans est traditionnelle ; ne forment-ils pas déjà une chaîne de 14 à 15 agriculteurs autour de la « batteuse ».
Cette habitude de travailler ensemble explique l’essor considérable et immédiat des CUMA.
● 1948 : Cinquante trois agriculteurs créent la « CUMA » de Réparsac
Par acte de maître Goubin, notaire à Sigogne, du 24 juillet 1948, il a été constitué une coopérative agricole dénommée : « Coopérative de battage et de motoculture de Réparsac ».
L’annonce légale paraît dans la « Charente Libre » du 14-15 août 1948. Elle mentionne les responsables de l’administration de la coopérative :
- Président : BLOIS Pierre
- Vice Présidents : PIERRE Marius, COTINAUD Henri
- Secrétaire : VERON Albert
- Trésorier : GUERIN Eugène
- Commissaires : GRANDEAU René, RAULT Marcel
- Membres : GUINGUENAUD Elie, PELLOQUIN Henri, MOREAU Pierre, BOULESTIER Albert,
MICHAUD Daniel, GUERIN Maurice, BRANDY Daniel, BLOIS Joseph.
Ils sont tous agriculteurs, demeurant à Réparsac.
Siège social : Mairie de Réparsac.
L’agrément d’autorisation à fonctionner est donné par la Préfecture de la Charente le 25 Octobre 1948.
La quasi-totalité des agriculteurs de la commune sont sociétaires de la coopérative : deux ou trois font exception car la superficie de leur exploitation permet une motorisation individuelle.
● Un équipement en appui à 50 exploitations
Le secteur agricole connaît une importante mutation en cette période d’après guerre, tant sur le plan technique qu’agronomique.
La CUMA apparaît alors comme une étape de transition rendant possible l’utilisation progressive de matériels plus performants.
Au fur et à mesure des besoins des adhérents, des assemblées générales successives décident de l’acquisition :
- d’un tracteur « Allis Chalmers WF » (538 489 francs) et d’une « vanneuse » (batteuse) (350 000 francs) en juillet 1948
- d’une charrue (101 470 francs) le 18 mai 1949
- d’une déchaumeuse « Mc Cormick Internationale », 7 disques (144 206 francs) le 29 janvier 1952
- d’une presse « Rousseau » d’occasion (175 000 francs) le 2 août 1954
Le capital social versé par les adhérents est de 336 000 francs.
Un appel au crédit a donc été nécessaire pour l’ensemble des investissements réalisés.
L’aide « Marshall » à l’agriculture
___________________________________________________________________________________________ |
● Le fonctionnement de la coopérative
Dès le 22 août 1948, le conseil d’administration fixe le règlement intérieur de la CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel en Commun) :
- « Un tour de battage est organisé comme suit :
- année 1, Olivet, le bourg de Réparsac, la Vallade, la Flaudrie, la Vènerie
- année 2 : la Vènerie, la Flaudrie, la Vallade, le bourg, Olivet »
La Vanneuse (machine à battre) est logée à Olivet (pour une location de 500 francs/ans). Ceci explique le positionnement de cette ferme (Monsieur Bonin)
dans l’ordre des gerbiers à battre.
- « Il est interdit aux coopérateurs, sous peine d’amende ou d’exclusion, d’employer un entrepreneur pour faire un travail que la coopérative
est capable d’exécuter » question de justice, affirme « Allis Charmers » de la CUMA de Réparsac du 21 Octobre 1948 le conseil : sinon les fidèles doivent payer la part d’amortissement des coopérateurs défaillants. Et, de ce fait, quelques amendes furent exigées et payées pour ce motif.
- « Durant l’exécution des travaux (battages, labour, déchaumage…) le matériel est placé exclusivement sous la responsabilité des hommes chargés de sa conduite »
● Des jeunes du village
Jeunes hommes de Réparsac, ils sont embauchés (salariés à temps partiel) pour conduire les outils de la coopérative :
- Guy PIERRE, de 1948 à 1953
- Eugène VEQUE, de 1953 à 1955
- Jean BOUROUMEAU, de 1955 à 1959
- Pierre BLOIS (fils), en 1960
- Jean BOUROUMEAU et Eugène VEQUE, de 1961 à 1962
- Serge PIERRE, en appui pour les battages de 1952 à 1955.
● Une affaire Réparsacaise
Non seulement la quasi-totalité des agriculteurs de la commune sont « adhérents-utilisateurs » de la CUMA, mais les artisans et commerçants du village sont également mis à contribution :
La « Forge-charronnage » Etourneaud fils assure les réparations sur le monte-gerbes, la presse…, réalise le montage de la déchaumeuse…
Le « serrurier-maréchal ferrand » Robert Papot entretient les fers de charrue, et le garage Armand Caut le tracteur.
L’épicerie Pierre Moraud fournit l’huile « moteur » et du carburant par sa station « Shell ».
Jusqu’aux assurances agricoles (matériel et accident) administrées par leur délégué local, Pierre Comte.
Il n’est pas permis d’en douter, c’est bien une affaire Réparsacaise.
● La coopérative est fille de la nécessité
Le chiffre d’affaire annuel se situe entre 300 000 et 500 000 francs. A titre indicatif, il se décompose ainsi en 1957 :
Battages : 274 105 francs (57,04 %)
Labour et déchaumage : 163 865 francs (34,11 %)
Moisson et tracteur seul : 42 485 francs (8,85 %)
-------------------------------------------------------------
Total 480 455 francs (100 %)
L’activité battage domine :
Sur 53 producteurs de céréales, 14 ont une facturation de battage de 4 heures et plus, et 39 s’échelonnent entre une heure et quatre heures.
C’est dire la diversité des tailles d’exploitations agricoles sur la commune, et surtout la justification des services de la CUMA pour bon nombre de petits agriculteurs dans l’incapacité de s’équiper individuellement.
A partir de 1949, la CUMA de Réparsac adhère à la « fédération départementale des CUMA de Charente ». Cette dernière regroupe 110 coopératives de battages de céréales (2500 pour la France entière).
● Véritable révolution agricole : 1945-1965
On n’imagine mal aujourd’hui les changements spectaculaires vécus par les agriculteurs au niveau de leurs moyens de production au cours de cette période.
Quelques chiffres suffisent à illustrer pour notre pays :
- 1938 : 35 000 tracteurs, 140 000 en 1950, 1 010 000 en 1965
- La moissoneuse-lieuse et batteuse sont détrônées par la moissonneuse-batteuse : seulement 260 pour tout le pays en 1938, 3 800 en 1950 et 97 000 en 1964.
Naturellement, à l’inverse, les chevaux de traits (traction animale) chutent de 61 %, passant de 2 220 000 en 1938 à 862 000 en 1964 et la courbe descendante continue…
La consommation nationale d’engrais n’est pas en reste : de 745 000 tonnes en 1947, elle dépasse les 3 000 000 de tonnes au court de la campagne 1964-1965.
Cette évolution va générer une forte croissance, nécessaire, de la production agricole.
Bien sûr, notre région a quelques retards en ce domaine par rapport au bassin parisien, à la Beauce, à la Brie… : ces zones de grandes exploitations.
Mais la puissance et la rapidité de la vague de modernisation atteint le « pays bas » charentais. En témoigne la décision du conseil d’administration de la CUMA de Réparsac, en 1955, qui décide « pour les coopérateurs ayant un tracteur de pouvoir utiliser la charrue et la déchaumeuse du groupe à raison de 1 000 francs par jour ».
● Une page est tournée
Après 15 années d’activités « le 7 mars 1963, une assemblée générale extraordinaire se prononce à l’unanimité pour la dissolution de la coopérative de battage et de motoculture de Réparsac ». Le matériel, totalement amorti est vendu aux enchères aux seuls coopérateurs, et leur capital social est remboursé…
Les moissonneuses-batteuses sont arrivées, chaque exploitation acquiert son tracteur, du moins celles qui résistent à l’évolution…
D’autres formes de coopératives se manifestent entre agriculteurs, pour d’autres activités, avec d’autres équipements.
Les services de la CUMA de Réparsac ont facilités le passage d’une agriculture attelée (chevaux-boeufs) à une agriculture motorisée ; d’un état de vie du paysan à un métier qui s’apprend.
Des solidarités nouvelles vont être inventées…