LE CENTENAIRE : 1914 - 2014

Le centenaire : 1914 - 2014


1 - Réparsac rythmé par la Grande Guerre
Le monument aux morts de Réparsac, comme tant d'autres, témoigne d'un deuil national dans sa dimension locale. Transmettant aux générations suivantes le drame humain de 1914-1918 : une cicatrice visible exposée au coeur du village, invitant à connaître son histoire. Celle de la fin des jours ordinaires pour les militaires comme pour les civils.


● Les affiches de mobilisation
« Nous sommes le 1er août 1914, depuis plusieurs jours les esprits sont inquiets.
La lecture des journaux montre que la guerre est presque inévitable.
Cependant personne ne veut y croire. Aussi lorsque ce 1er août, vers deux heures de l'après-midi, arrive la dépêche ministérielle annonçant la mobilisation, tout le monde est debout. Au carrefour des rues, on commence à discuter ferme.
Tout à coup, en automobile, les gendarmes apportent les affiches de mobilisation. La cloche sonne, le tambour bat.
Les gens attardés aux travaux rentrent.
On s'aborde le visage défait. Les larmes coulent. Les mères pensent à leurs fils qui, sous les drapeaux, vont inévitablement se battre.
Dans ces minutes inoubliables, il n'y a qu'un même coeur. Les ennemis d'hier se tendent la main et comprennent que leurs discordes, locales et futiles, n'étaient rien comparativement à la question actuelle.
Bientôt la tristesse du début, la désolation pour quelques uns, font place à une résignation presque gaie.
Tous sont unanimes à approuver la décision prise : « Ce ne sera plus comme en 1870. Nous allons leur donner une leçon à ces sales prussiens. Dans un mois nous serons à Berlin. Vous nous attendrez pour faire les vendanges.
Tous acceptent avec joie le sacrifice qu'on leur demande. Tous sont confiants. Ils espèrent encore que le cataclysme pourra être évité. Mais s'il ne l'est pas, ils escomptent une guerre courte et victorieuse. » témoigne Abel Marias, instituteur et secrétaire de mairie à Réparsac (1).
Dès les premiers mois de guerre, ce dernier, comme bon nombre de ses collègues, est en correspondance régulière avec ses anciens élèves et autres mobilisés de la commune :
quelques lettres venues du front :

  • • « En route pour Berlin. Si je suis fait prisonnier cela ne me surprendra pas, car ma mission est dangereuse. Mais toujours : Vive la France ; elle sera victorieuse »
  • • « Vivement que nous débarrassions le sol français de cette maudite race de barbares qui la salissent. La Belgique et la France seront leurs tombeaux »
  • • « Tous les matins, salve d'artillerie française aussitôt après la jactance des 77 boches qui sont incapables de tuer une mouche. Ils ne sont bons qu'à arracher les betteraves. Le brave canon 75 fait danser les boches. C'est bien beau à les voir sauter au-dessus des tranchées » (Albert Verron)
  • • « Nous devons tenir, nous tiendrons et jusqu'au bout nous ferons notre devoir » (Daniel Michaud)
  • • « Votre bien-être futur sera d'autant plus grand que nous aurons plus souffert. Nous n'avons qu'un désir, c'est de rentrer dans nos foyers victorieux » (Joseph Chavagne)
  • • « Oui, on a du courage et beaucoup, et on en aura jusqu'au dernier » (Edgard Verron)

La plupart de leurs lettres se terminent par ces mots : « Vive la France ».


Dès le premier mois du combat
Dès les permiers mois de combat Réparsac apprend les noms de ses enfants tombés pour la patrie : Daniel Petiteau (le 05/09/1914), Pierre Allafort (le 07/09),
Octave Pierre Brun (le 01/10), Gabriel Mercier (le 04/10),... D'autres « poilus », plus tard, s'inscriront sur le monument aux morts 1914-1918.
Au cours de cette première année, les nouvelles du front font état de nombreux blessés : Maurice Guitraud (le 31 août), Azaël Menier (le 25 Août), Alfred Broussin et Joseph Chavagne (le 10 septembre), Paul Coutin et Octave Gestreaud...
Notre reporter de guerre explique :
« Les blessés repartis au front y sont allés avec le même enthousiasme qu'au début, confiant dans l'issue de la lutte ».
« Ils auront peut-être ma peau mais avant j'en tuerai tant que je pourrais » nous disait l'un d'eux, Joseph Chavagne.
« C'est ce même Chavagne qui, après des combats en Lorraine, a secouru son lieutenant blessé grièvement et l'a traîné tantôt sur le dos, tantôt dans une brouette jusqu'à Baccarat, distant de 6 kilomètres du lieu de combat.
Cette prouesse accomplie il est retourné prendre son rang au milieu des combattants.
Cet acte de dévouement n'a été connu que sur les indications d'un camarade dont la famille habite une commune voisine.
L'intéressé seul ne disait rien, trouvant tout naturel ce qu'il avait fait, n'a pas eu de citation ».
Combien de héros demeurent ainsi dans l'ombre de l'actualité officielle.


Août 1915 : la guerre se prolonge
L'instituteur de Réparsac assure toujours le lien entre les mobilisés et ceux de l'arrière. Il raconte : 
« La longueur de la guerre, les misères qui en découlent supportées par nos pauvres soldats, les morts nombreux des communes voisines, les mauvais traitements infligés aux populations des pays envahis, la détresse probable de nos prisonniers, diminuent l'enthousiasme général ».
Cependant, la plupart des correspondants ne se laissent point abattre, et leurs lettres reflètent leur état d'âme... Quelques extraits :

• … « Mais il vaut mieux rester quelques mois de plus et que nous sortions victorieux avec une paix durable. Nous aurons au moins la satisfaction d'avoir
fait notre devoir de citoyen et nous pourrons passer fièrement devant tous les embusqués et les réformés volontaires qui n'auront qu'à bien se tenir s'ils ne
veulent pas se faire relever » (Abel Broussin)
• … « Je suis toujours dans les tranchées, je vous réponds que ça barde. Les Boches nous ont attaqués. Le canon et la mitraille crachent tous les jours. Nous
les attendons de pied ferme. Il faut toujours avoir du courage et ne pas se faire du mauvais sang. Vive la France toujours ! » (Joseph Chavagne)
• … « Le 35ème infanterie est venu se reformer après s'être signalé en Champagne le 25 septembre. Je suis de ceux qui la complètent. Alors je veux
faire mon possible pour ne pas le déshonorer. De cavalier, je suis devenu fantassin et ce changement, bien que pénible pour moi, ne m'empêche pas de
faire mon devoir en toute circonstance » (F. Benaît)
• … « Hier on a fait des prisonniers et délivré des nôtres. Les Boches prisonniers avaient l'air contents. Ils disaient en avoir comme on dit : marre, ils disaient
aussi qu'ils voient bien ne pas pouvoir prendre Verdun. Et ils ne l'auront pas non plus. On se charge de les tenir, quand même serait-ce l'armée du Kaiser qui
serait devant nous » (Edgard Verron)
• … « Nul doute que nous nous épuisions autour de ce malheureux Verdun ; mais je pense que ces maudits Boches le sont encore davantage. Et ils ont beau
faire, ils ont encore manqué leur coup. Maintenant je ne crois pas qu'ils aient notre Verdun » (Amédée Rousselot)
• … « On a toujours quelques ennuis, mais malgré cela, le courage ne m'a jamais manqué, et il ne me manquera jamais » (Camille Guitraud)

Albert Verron a passé 7 ans de sa vie à l'armée


• … « Nous sommes sur le bord d'une route qui est réparée par une équipe de prisonniers boches, ce qui nous réjouit un peu d'avoir comme serviteurs des
types de cette race maudite » (Abel Broussin)
• … « Il faut avoir à coeur de défendre notre pauvre patrie, il faut vaincre ou mourir ! Vive la France » (Joseph Chavagne)

Abel Marias bénéficie d'une relation épistolaire très nourrie avec Joseph Chavagne. Elle nous permet de mieux saisir son aventure militaire ; il combat d'abord en Alsace où il est blessé le 10 septembre 1914 ; reparti au front, a eu les pieds gelés le 3 décembre suivant ; reparti au front une seconde fois, le 1er février 1915 il est versé dans une compagnie de mitrailleuse au 414ème régiment d'infanterie. A sa dernière permission il nous disait : « Je sens que je ne reviendrai pas, mais je ferai mon devoir jusqu'au bout ». Il décède le 3 août 1916 à son poste de combat, devant Verdun.


● La classe 18 est mobilisée
Deux années de guerre meurtrière ont fait des vides dans les rangs de nos soldats, constate Abel Marias. Pour les combler il a fallu lever de nouvelles classes. Celle de 1918 est recensée ; elle concerne seulement deux jeunes gens à Réparsac, il partent en mai 1917. Ils comptent bien aller « au feu, mais ce sera, disent-ils, pour donner les derniers coups ».

À gauche : Daniel Blois


Le mutisme des appelés
Quand la fille d'Albert Verron écrit ses mémoires, elle parle de son papa faisant son service militaire à Périgueux : « Alors qu'il allait être libéré la guerre s'est déclarée. Mon oncle Edgard, son frère, est parti aussi. Papa a fait 4 ans dans les tranchées, en première ligne. Il a vu des choses horribles, mais ne voulait jamais en parler ». C'est un phénomène bien connu et compréhensible qui se renouvelle à chaque conflit armé : après la deuxième guerre mondiale (1939-1945), ou, plus près de nous, celle d'Algérie (1956-1962).
Le mutisme des combattants traduit toujours cette impossibilité de dire « l'inhumain » vécu sur le terrain des combats.


Un million quatre cent mille morts
L'historien Pierre Montagnon, dans son « Dictionnaire de la Grande Guerre » commente ainsi l'armistice : « Le 11 novembre 1918 est d'abord et avant tout la victoire d'un homme : le poilu français ». Moralement il a tenu, son adversaire s'est effondré. Malgré les épreuves et les moments de doute, le combattant français a su résister et s'imposer. Mais à quel prix ! Un million quatre cent mille morts ».


Les témoignages des « Poilus » de Réparsac confirment cette analyse patriote comme une funeste conclusion.

Les deux « faucheuses » de la « classe 14 »

De nos jours, 1 % seulement de la population française meurt avant l'âge de 20 ans. Il y a un siècle,
en 1914, ce taux était de 26 % pour les filles et 28 % pour les garçons.
Car les maladies infectieuses faisaient des ravages dès les premières années de la vie c'était la première « faucheuse ».
Et voilà qu' « un cas extrême, explique le démographe François Héran, (2) fut celui de « la classe 1914 », c'est-à-dire la jeunesse masculine née en 1894 ».
Pour les jeunes gens de cette génération, l'hécatombe de « la grande guerre », la deuxième faucheuse » fut, par son ampleur, comparable à la mortalité infantile et juvénile de l'époque : 22 % de morts au combat, grossissant anormalement les 2% de décès en raison de santé entre 20 et 25 ans.
Peut-on s'imaginer aujourd'hui la terrible épreuve familiale et humanitaire, à la fin de 1918 : les deux « faucheuses » réunies avaient éliminé 52 % des hommes nés en 1894 dans notre pays : un français sur deux.
Et les autres classes d'âge, celles d'avant, déjà sous les drapeaux au titre du service militaire de 3 ans, et celles d'après, malgré une exposition plus courte aux combats vécurent aussi des très sérieux massacres. Même s'ils furent numériquement légèrement plus faibles que ceux de « la classe 1914 ».


(1) Chargé par les autorités académiques de rédiger des rapports, les récits des instituteurs racontent la
mobilisation et ses conséquences au village. Abel Marias est de ceux-ci. Il tient régulièrement un journal de
1914 à 1918. Précieux document, confié aux archives d'Angoulême et ouvert au public. Cet article s'en
inspire largement.
(2) Auteur d'une récente

2 - Réparsac rythmé par la Grande Guerre (suite)
Ces témoignages de combattants(1) cachent bien des souffrances dans la vie des habitants de « l'arrière ». Un nouvel univers de peines et d'expériences sociales émerge au coeur de la guerre, loin des zones de bataille. Les civils restés au village n'ont pas fait que subir, ils ont dû apprendre à vivre avec la guerre.


● La fin des jours ordinaires
Les civils sont aussi des acteurs de notre histoire vécue au quotidien pour la période 1914-1918, jamais complètement séparés des préoccupations des militaires du front.

Monsieur Marias instituteur et rédacteur de la
vie Réparsacaise


Abel Marias, cet attentif « observateur-acteur » du monde réparsacais souligne que « pour l'armée, les besoins sont nombreux ». Aussi les réquisitions se succèdent :
d'abord les chevaux. Il en coûte aux cultivateurs de s'en séparer : on se voyait privé à la fois des bras des hommes mobilisés et d'auxiliaires dévoués (la traction animale).
« Les denrées de toutes sortes, foin, paille, avoine..., sont conduites vers la gare la plus proche : un va et vient continu. Le cultivateur rechigne, car il n'aime pas se dessaisir de sa récolte, même si tout est payé à un prix rémunérateur. »
« Cependant quand l'administration demande harnais, tombereau, charrette, les habitants deviennent anxieux : où et comment pourrons-nous remplacer ces outils agricoles que l'on nous prend ? »
« Mais, constate l'instituteur, ces préoccupations ne durent qu'un instant : on est tout à la guerre ».


L'école, « Socle du redressement national »
Comment expliquer cet amour de la patrie au sein de la société civile, comme le sens du sacrifice des soldats de la Grande guerre ?
Peut-être l'avons-nous oublié, l'école communale de Jules Ferry n'avait pas pour unique mission d'apprendre à lire et à écrire, de former des citoyens. Elle devait aussi inculquer « un patriotisme fervent » qui prenait ses racines dans la terrible défaite de 1870, face à l'armée de Bismark, et dans le traumatisme de la perte de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine.
Jules Simon, ministre de l'Instruction Publique, persuadé que l'instituteur prussien a mieux formé les soldats, entend faire de l'école de la République « le Socle du redressement national ».
Dès lors, les manuels scolaires transmettent l'amour de « la mère patrie » et le goût de la revanche sur l'Allemagne. Comme l'école, le service militaire est un droit et un devoir pour tous. Comme l'école, l'armée n'est plus réservée à l'aristocratie. Chaque 14 Juillet réunit l'armée et la république.

Mme Abel Marias
Institutrice


Des instituteurs « enseignants-éducateurs »


Les instituteurs, Monsieur et Madame Marias, sont mobilisés par leur vocation d'enseignants éducateurs. L'école primaire continue.
« Les enfants sont attentifs aux faits de guerre qui leur sont racontés et qu'ils retiennent généralement ». S'y ajoute les cours d'adultes où une large part est consacrée à la guerre : « Les récits de guerre de « l'illustration », des lectures pour tous complètent l'exposé. Le départ de jeunes gens de la commune
vient seul diminuer le nombre des auditeurs ».
L'institutrice organise des réunions, quasi quotidiennes, pour jeunes filles et jeunes femmes afin de confectionner des chaussettes, mitaines et lainages pour les soldats « toutes travaillent avec ardeur, et on ne se sépare souvent que vers onze heures ou minuit. Des récits de guerre terminent généralement ces soirées » commente Monsieur Marias.
Le Conseil Municipal du 14 février 1915 décide de voter un crédit de 70 francs pour un achat de laine aux « Nouvelles Galeries » de Cognac destiné à la confection de vêtements chauds pour nos combattants.


● Patriotisme populaire

Aux usines du Creusot, comme à
la poudrerie d'Angoulême, des
femmes participent à la défense
nationale (fabrication d'obus)

L'instituteur de Réparsac souligne le sentiment patriote des habitants de la commune : « les mères, les épouses donnent leurs enfants, leurs maris, sans aucune récrimination, bien au contraire ».
« Leur haine va toute entière à ceux qui ont déchaîné ce cataclysme ».
« Dans son patriotisme, la population n'a pas ménagé son concours aux oeuvres de guerre. Les souscriptions de toutes sortes ont toujours été fructueuses. Ainsi, en décembre 1915, la commune a souscrit avec empressement au deuxième emprunt de guerre ».
Il note également « Tous les écoliers, sans exception, ont versé leur cotisation pour les pupilles de l'école publique. Mais c'est surtout dans la collecte de l'or qu'ils ont déployé une grande ingéniosité. Ils ont pu amasser une somme en or de 810 francs ».
Ainsi l'école participe à la défense nationale.

● La garde civique
L'agitation inusitée de tout le pays a amené, dès le début de la guerre, la création d'une garde civique à Réparsac. L'instituteur nous raconte : « A tour de rôle des personnes de bonne volonté montaient la garde une partie de la nuit, faisaient des patrouilles. Des chaînes étaient tendues aux travers des voies les plus fréquentées, on s'assurait de l'identité de tous ceux qui passaient. La boutique du Maréchal-ferrant (en place de l'actuelle mairie) servait de corps de garde. Là on discutait, on lisait les journaux, on parlait des nouvelles reçues, on attendait le communiqué officiel qui n'arrivait qu'à 10 ou 11 heures de la nuit, on se séparait, comme à regrets ». « Après plusieurs mois, n'ayant rien d'anormal à enregistrer et la population ne se départissant jamais de son calme, la garde
civique fut licencié. Contraventions et délits, très rares auparavant, n'existaient pratiquement pas ».

Quatre conseillers municipaux sur dix
« La guerre a jeté la perturbation dans les services municipaux : il ne reste que 4 conseillers municipaux sur 10. Et le travail s'est aussi considérablement accru. Circulaires, demandes de l'administration affluent : réponse à faire, décisions à prendre, exigent un travail absorbant qui, dans les premiers temps, ne laissent aucun répit à l'instituteur qui est, ici, secrétaire de mairie ».
Ce dernier explique : « Instituteur et institutrice tiennent la population au courant des événements, commentent les dépêches officielles, les transcrivent, se mettent à la disposition des parents de mobilisés pour renseignements et services de toute sorte ».


Leur unique soutien
« Beaucoup de familles ont leur unique soutien parti pour la guerre. Et, pour bon nombre d'entre elles, ce sera peut-être la misère, s'inquiète l'instituteur du village.
« Les femmes qui se sont montrées courageuses pour le départ du mari, du fils, du frère, se posent cette question : comment allons-nous faire pour vivre ? »
« Alors la municipalité distribue, dès le début des hostilités, des secours aux plus nécessiteux. Puis viennent les allocations de l’État ».
« En somme, constate Monsieur Marias, secours et allocations relèvent le courage de ceux qui sont restés au foyer, et enlèvent tout souci aux mobilisés qui ne regardent, dès lors, que le devoir à accomplir ».


« La vigne ne reçoit plus les soins suffisants »

Plus encore qu'avant, les femmes au champ

« Voici l'époque des labours, des semailles. Il ne reste plus que les hommes dégagés de tout service, note l'instituteur, courageusement les femmes se mettent au travail, une tâche amplifiée, mais qu'elles pratiquent déjà, les cultivateurs s'entraident, si bien nous dit-on, qu'un dixième à peine des terres sont incultes la première année » souligne Abel Marias.
« Mais dès 1915 la vigne ne reçoit plus les soins suffisants et la récolte s'annonce très médiocre. Et puis le vin se vendra-t-il ?... Très tard les négociants se décident, mais à vil prix : à peine 10 à 12 francs l'hectolitre, contre 20 à 25 l'année précédente.
Quelques viticulteurs, peu nombreux, ceux qui distillent, attendent des jours meilleurs. Le mauvais temps aidant, fauchaisons et moissons se font difficilement : beaucoup de foin perdu ».
Notre observateur réparsacais conclut : « Pénurie de main d’oeuvre, manque de récolte et, par la suite, de revenus. La guerre se prolongeant, tout cela fait que le cultivateur regarde l'avenir d'un air soucieux ».


La rareté, ajoutée à l'appât du gain...
Un an plus tard, ce même témoin, décrit comment une économie de guerre peut bénéficier à quelques uns : « Certes les distilleries ne fonctionnent plus. Le vin, principale récolte de la commune, se vend très cher pour la consommation, couramment à 50 francs l'hectolitre, voir plus, et tout est acheté ».
« Mais, remarque-t-il, beaucoup de de vignobles restent incultes » faute de bras pour les cultiver.
« D'une façon générale, écrit-il, les produits de ferme se vendent extrêmement cher. Certains cultivateurs y trouvent leur compte, mais ceux qui doivent tout acheter ont beaucoup de peine à équilibrer leur budget », la rareté, ajoutée à l'appât du gain, provoque une hausse anormale des prix.


La guerre distille la haine
Dans son premier numéro, l'éditorial de la revue officielle de l'époque « Panorama de la guerre de 1914 » donne le ton.
« Dès le début de l'effroyable guerre de 1914, l'Allemagne s'est mise au banc de l'humanité. Sa déloyauté cynique, sa férocité monstrueuse, les atrocités sans nombre et sans nom commises par le ramassis de fauves qu'elle appelle son armée, ont partout provoqué l'horreur. Sous le peuple allemand, si infatué de la supériorité intellectuelle qu'il s'attribuait, s'est retrouvé la horde farouche, sans règle, sans frein, sans honneur, qui marque son passage par l'incendie et la destruction, et qui jalonne sa route de cadavres de femmes et d'enfants ».
Les propos méprisants de Bismark, chancelier allemand, ne sont guère plus tendres à l'égard des français :
« Comme nation, ils ressemblent à certains gens de nos classes inférieures. Ils sont étroits d'esprit et brutaux... Fanfarons, impudents, et par leurs comportements arrogants et violents... La France est une nation de pantins... Ils ressemblent à trente millions de nègres serviles »(cité par Max Gallo : 1914, le destin du monde, page 26).
Il n'est donc pas surprenant, qu'en 1918, le traité de paix de Versailles n'ait pas réconcilié les adversaires, ni renforcé la démocratie.
Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler devient chancelier du Reich.
La première guerre mondiale enfante la deuxième, 1914-1945. Dès lors on comprend la soif de Paix des fondateurs de l' « Union Européenne »
d’aujourd’hui. Une oeuvre en construction permanente.

1914-1918 ; Une France mutilée

  • - 1 400 000 morts dans l'armée.
  • - 3 millions de blessés, dont 1 500 000 invalides.
  • - Sur 5 millions de femmes de mobilisés, près de 700 000 seront des veuves de guerre (dont
  • près de 300 000 exploitantes agricoles).
  • - 1 100 000 orphelins et pupilles de la nation.

En Charente

  • - Sur 347 061 habitants (recensement de 1 911) 10 420 soldats tués par la guerre, soit 2,89 % de la population. (Hors série « Sud Ouest » : « Notre région dans la guerre »)



(1) Voir l'Echo Réparsacais – Avril 2014