EGLISE CATHOLIQUE Saint-Laurent
Église catholique
Inaugurée en Mai 1895, l’église catholique Saint Laurent de Dorlisheim est construite dans le style néo-roman et déploie un décor aux influences baroques.
Elle remplace l’église historique, devenue protestante à la Réforme.
Les deux églises sont dédiées à Saint Laurent et la construction de la nouvelle église marque la fin d’un simultaneum (1) de deux siècles à Dorlisheim.
L’église se trouve sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle.
- Un saint patron - Deux églises
Des années 1165-1180 à 1525, le culte s’est déroulé à Dorlisheim en l’église romane (2).
En 1523, les paroissiens expriment leur désir de voir instaurer le protestantisme dans la commune.
Cette demande de modification du culte sera effective dès 1525.
A partir de cette date et jusqu’en 1686, c’est en une église réformée que se déroule le culte à Dorlisheim.
Celle-ci est est la seule église réformée des environs et est fréquentée par un grand nombre de croyants.
L’annexion de l’Alsace au Royaume de France par Louis XIV en 1648 aurait du impliquer, en 1685, l’application de l’édit de Fontainebleau et donc interdire le protestantisme.
Cependant, le souverain a souhaité “ne pas toucher aux us de l’Alsace”, selon son mot célèbre, et a permis aux protestants de perpétuer la pratique de leur culte, à condition de partager les églises avec les catholiques.
Cette disposition nommée “simultaneum” sera mise en place en 1686 en Alsace. A Dorlisheim, le simultaneum perdurera jusqu’en 1879.
- Saint Laurent
Les travaux de construction de la nouvelle église catholique débutent le 3 Juillet 1887 et elle est inaugurée le 29 Mai 1895.
C’est tout naturellement que le nouveau lieu de culte est dédié à Saint Laurent, patron historique des chrétiens de la commune.
Saint Laurent est le saint patron des indigents.
Selon les récits hagiographiques, St Laurent a vécu au IIIème siècle de notre ère.
Le pape Sixte II, ami dʼenfance, fait de lui le premier diacre sur les 7 que compte lʼEglise romaine.
Il lui donne la responsabilité du Trésor de lʼEglise. Sixte II et Saint Laurent sont victimes des persécutions de lʼempereur Valérien qui, selon la tradition du pouvoir militaire romain, ne voit en lʼEglise Catholique quʼune secte parmi toutes les autres qu’il autorise.
Le pouvoir central n’a pas de culte officiel mais s’inquiète des conséquences politiques du développement de la croyance catholique. Saint Laurent est torturé sur un grill en 258 pour avoir refusé de remettre au préfet lʼargent de lʼEglise.
Chaque année, les reliques de sa tête son exposées en lʼéglise St Anne du Vatican.
Dans les représentations, il est paré d’un calice rempli de pièces dʼor, d’un évangile, d’une croix processionnelle et d’un dalmatique.
Le culte de Saint Laurent trouve ses origines à la période franque et est demeuré vivace dans de nombreuses régions.
ARCHITECTURE
- Contexte
La construction d’une église est un projet d’ampleur.
Dans le cas présent, le financement a requis des efforts soutenus de la part de tous les acteurs du projet.
Celui-ci qui a pu naître grâce à la collaboration financière de l’état, du don du culte catholique, de donateurs généreux et de la paroisse protestante.
Il est à noter que la parcelle sur laquelle se dresse l’église a été achetée par la paroisse catholique à un propriétaire protestant - signe de l’attention portée par les deux communautés à l’entente construite entre elles au fil des ans.
- Plan et élévation
L’édifice néo-roman présente un profil élancé, long et empreint de sobriété.
Seul le massif occidental est doté d’éléments sculptés.
Les murs gouttereaux enduits de couleur claire contribuent à créer une impression de modernité et d’ampleur de l’église.
Percés de vastes baies en plein cintre aux ébrasements de pierre, ils sont parcourus d’une corniche au profil simple.
Le chevet présente des contreforts qui compensent la poussée du voûtement du choeur.
Ce sont les seuls éléments de soutènement visibles sur l’édifice, dont la morphologie bénéficie du savoir constructif moderne de la fin du XIXème siècle.
La façade occidentale offre un portail tripartite dont l’élément central est en saillie par rapport au plan.
A partir de celui-ci se développe un campanile qui abrite 3 cloches : celle de Saint Laurent, posée en 1888 et celles du Sacré Coeur de Jésus et de la Vierge Marie, fondues en 1923 en remplacement des cloches enlevées par les Allemands le 17 Juillet 1917 (3).
La façade du campanile est ajourée au premier registre d’une rosace large à 8 lobes et au second registre d’une baie double en plein cintre et à meneau.
La double baie aveugle qui masque les cloches est surmontée d’une rose quadrilobée.
Sur le portail central, une porte à double ventaux est flanquée de 2 colonnettes soutenant un arc en plein cintre.
Celui-ci est orné d’un motif géométrique moderne en zigzag, dont le caractère abstrait et non figuratif est une référence stylistique à l’époque romane.
Le portail central est surmonté d’un fronton triangulaire, nu et sur lequel se trouve un quadrilobe enserrant la date de 1887 - année du début de la construction.
Au pinacle du fronton se trouve une croix, dont la facture modeste représente l’humilité du croyant face à Dieu.
Ce portail est flanqué de 2 tourelles qui le séparent des 2 autres entrées.
Elles abritent des escaliers d’accès à l’orgue et au premier étage.
Les portails latéraux sont quant à eux de taille plus modeste et parachevés d’arcs en plein cintre.
Deux sculptures dans des niches les surmontent : Jeanne d’Arc à gauche, Saint Martin à droite.
La présence de Jeanne d’Arc sur la façade de l’église est en soi une revendication politique.
En effet, l’héroïne de la guerre de Cent Ans est réhabilitée en France au début du XIXème siècle et devient très rapidement un symbole patriotique populaire.
Or, en 1895, l’Alsace fait partie de l’Empire Allemand.
La présence d’une représentation de la sainte affirme l’appartenance de coeur des paroissiens - sinon de la commune - à la France.
Sur le portail droit se dresse Saint Martin, qui incarne la force et l’humilité dans la foi chrétienne.
Au IVème siècle, Saint Martin est né dans une famille païenne.
C’est au cours de la carrière militaire par laquelle il débute sa vie qu’il est touché par la grâce et se convertit au christianisme : un soir d’hiver de 338, il découpe son manteau à l’aide de son épée pour en offrir la moitié à un vieillard.
Cet épisode est l’allégorie de sa rencontre avec le Christ. Saint Martin deviendra évêque de Tours.
Contrairement aux autres façades, le massif occidental présente un parement de pierres à joint non enduit.
L’église développe un plan rectangulaire sans bas-côté.
On parlera d’église halle.
Toutefois, le choeur et deux absidioles viennent adoucir l’orthogonalité du plan.
L’absence de dispositif de soutènement intérieur confère un caractère résolument moderne et lumineux à l’espace.
Cette absence de pilier et colonne est permise par le non voûtement de la nef; celle-ci est en effet dotée d’un couvrement plat.
Les charges du bâtiment sont réparties directement sur les façades.
L’entrée s’effectue par un narthex qui correspond à la première travée.
Fermée, elle accueille le sas d’entrée cloisonné de verre au-dessus duquel on trouve l’orgue.Construit en 1902 par Franz Kriess, à Molsheim, il sera équipé d’un ventilateur électrique offert par le célèbre constructeur automobile Ettore Bugatti.
En l’absence de bas-côtés, la notion de travée est malgré tout présente dans l’église.
En effet, des arcatures parcourent les murs longs, à l ‘intérieur, et graduent visuellement les espaces qu’elles auraient occupés.
Le choeur, quant à lui, est bipartite et vouté.
Le premier segment, au dessus de l’autel, est séparé en 4 parties par des ogives.
Le second segment en contient 5.
De part et d’autres du choeur, on observe deux arcs décoratifs sur les cloisons perpendiculaires à son axe.
Comme les arcs précédemment évoqués, ils ont une fonction évocatrice : ils marquent la transition du transept aux absides.
Ces éléments de décor créent une analogie avec le plan roman.
DECOR
Quand on entre dans l’église, on est frappé par l’impression d’ensemble.
Tout est visible en un seul regard et l’on comprend l’importance donnée au décor peint et sculpté.
On remarque également les polychromies sur les éléments sculptés, tant leur présence est rare à l‘époque moderne (4).
De plus, les fonds dorés de style gothique international renvoient aux premières phases du christianisme et aux styles de représentation pré-renaissance.
Ceci crée un contraste avec la facture ornementale des menuiseries et définit un style décoratif très narratif.
- Vitrail et peinture
L’intérieur de l’église est particulièrement clair et lumineux.
Les grandes baies laissent entrer la lumière naturelle mais masquent l’extérieur à la vue.
Ne laisser pénétrer que la lumière depuis l’extérieur est un dispositif symbolique qui figure la présence de la lumière divine au sein de l’église.
Les vitraux de la nef présentent un décor floral et ornemental.
En 1912, des donations des famille Bugatti, Hervé-Gruyer et d’autres notables de Dorlisheim ont permis leur installation.
Dans le choeur, les vitraux montrent des épisodes de la vie de Saint Laurent.
Dans la nef, une douzaine de tableaux relatent la Passion du Christ.
Les chromatismes sobres rencontrent l’animation de la manière picturale et des visages pour créer un ensemble expressif.
- Sculpture et iconographie
Les éléments sculptés sont très présents dans le choeur et autour de celui-ci.
Au centre, le maître-autel est orné d’un polyptique de bas-reliefs sur fond doré.
Ce fond uni était utilisé en peinture avant l’invention de la perspective, à la Renaissance.
Il renvoie également à la tradition byzantine de l’image religieuse.
Les quatre tableaux sont dédiés à la Passion du Christ et accueillis dans des éléments d’architecture en bois.
De part et d’autre du choeur, les autels sont ornés de prédelles surmontées de saints sculptés en bois.
A droite, la prédelle narre la nativité et la fuite en Egypte, et rend honneur à Joseph.
Au-dessus d’elle se dressent Saint Laurent à gauche, Saint Joseph au milieu et la figure d’un prêtre à droite.
A gauche, les représentations s’attachent à la vie de la Vierge Marie.
Sur la prédelle, l’hommage rendu à la Vierge est illustré par la représentation de son couronnement par le Christ en tant que Reine des cieux, par la Visitation de la Vierge à Elisabeth, par l’Annonciation et par la Présentation au Temple.
Les 3 sculptures qui surmontent la prédelle montrent la Vierge dans trois états : la mère du Christ, la Reine des Cieux et la sainte terrestre.
D’autres sculptures sont présentes dans l’église. Saint Antoine de Padoue portant le Saint Enfant, à droite du choeur, le Christ, dans le choeur et une Pietà - ou Déploration de la Vierge - en partie gauche.
La base de la chaire contient elle aussi de petites sculptures de saints.
Deux autres éléments de décor sont à remarquer.
D’une part, le haut-relief dédié au curé Freund, à droite du choeur. Joseph Freund est une figure importante de Dorlisheim.
Il a beaucoup oeuvré pour la paroisse et la vie de la commune.
Enfin, près de la chaire, une icône de la Vierge à l’Enfant montre la particularité d’être ornée de perles.
Cet ajout tend à dépasser le caractère représentatif de l’icône pour lui conférer une dimension “réelle”.
Les perles, en tant qu’objets réels, ont le rôle d’établir un lien avec l’image représentée.
L’ensemble des ornements de l’église catholique Saint Laurent de Dorlisheim démontre le désir d’inscrire le nouveau lieu de culte dans la tradition chrétienne la plus ancienne, afin de créer une continuité dans l’histoire de la paroisse.
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(1) Partage du lieu de culte entre les confessions catholique et protestante. La disposition prévoit qu’un simultaneum peut être instauré si la demande émane d’au moins 7 pères de familles catholiques.
(2) 1 rue de l’Eglise. Aujourd’hui église protestante.
(3) Les cloches portent l’inscription suivante : “Grâce à la bienveillance du Conseil Municipal, je remplace en Octobre 1923 la cloche enlevée par les Allemands le 17 Juillet 1917”
(4) Dans l’Antiquité et au Moyen-Âge, les sculptures étaient peintes. Les polychromies non entretenues ont disparu et leur tradition s’est perdue, laissant place à une statuaire non peinte la plupart du temps.