L'Eglise Saint Pierre des Martyrs de Genac
Jean George, dans les années 1930 alors Président de la Société Archéologique et Historique de la Charente et référence en architecture ecclésiale ancienne, lui a consacré une notice dans sa somme d’inventaire[1]. Classée monument historique en 1980 et restaurée dans les années qui suivirent, l’église paroissiale de Genac a bénéficié d’une étude architecturale assez complète[2].
Cette église est donc relativement bien connue et décrite. En outre, les travaux réalisés dans les années 80 et 90 ont permis de la mettre joliment en valeur.
Le cartulaire de l’église d’Angoulême signale son existence en 1110 et la place sous la dépendance du chapitre cathédrale[3]. Toutefois, par son style et ses caractéristiques, l’édifice actuel correspondrait plutôt à une reconstruction faite à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe, au moins pour sa partie ouest (entrée et clocher).
Endommagée durant la guerre de Cent-ans, l’église a été remaniée durant cette période. C’est sans aucun doute la dangerosité de l’époque qui a encouragé le rehaussement des murs gouttereaux pour aménager un réduit fortifié dans les combes de la nef.
En 1568, pendant les guerres de religion, Genac est à nouveau dévasté, cette fois par les troupes protestantes. Sans que le détail ne nous soit parvenu, on sait que l’église fut restaurée 15 ans plus tard.
Elle subit de nouveaux dommages durant la Révolution.
Une particularité de cette église romane (avec fortes influences gothiques) est la présence du clocher au-dessus de la porte, ce qui lui donne une allure impressionnante de sphinx couché. La première travée porte donc le clocher. Elle forme la façade occidentale, sobre, percée d’un portail en arc légèrement brisé surmonté d’une baie. Le portail est à trois voussures supportées par des colonnettes à chapiteaux et décor de feuillages. Cette travée, comme celles de la nef, est soutenue par de puissants contreforts terminés en glacis et avec cordon et larmier.
Le clocher surmontant cette façade est de plan rectangulaire et coiffé par une toiture à quatre pans. L’étage des cloches à proprement parler s’élève au-dessus d’un cordon. Il est percé de baies romanes à colonnettes, trois à l’est et à l’ouest et deux au nord et au sud.
A l’intérieur, cette travée portant le clocher possède une coupole ovale sur pendentifs. Autrefois en partie masquée par une tribune, cette coupole a été dégagée et nettoyée, ce qui a révélé un ciel peint d’étoiles.
La nef unique, de trois travées inégales, est couverte d’une voute de pierre en berceau légèrement brisé, s’appuyant sur les murs latéraux par l’intermédiaire d’une moulure. Cette moulure prolonge les tailloirs de chapiteaux à feuillages en crochets qui reposent eux-mêmes sur des colonnes adossées. Cette disposition originale est plutôt rare en Charente.
La voûte est ponctuée de doubleaux retombant sur ces colonnes qui, dans la deuxième et troisième travée, ont été sciés et reposent maintenant sur des consoles sculptées de têtes ou bustes et même de personnages en pied (sud-est).
Chaque travée est éclairée (sauf au sud-ouest) par une baie dont l’extérieur est en plein cintre tandis que l’ébrasement intérieur est en arc brisé. Dans la troisième travée, deux niches flamboyantes à gâbles aigus sont dessinées côte-à-côte. L’une a été percée d’une porte moderne. Jean George fait l’hypothèse qu’il s’agit d’anciennes tombes. Dans ce cas, le nom consacré pour ce type de niche funéraire est enfeu.
La communication entre nef et chœur se fait par un arc épais à facettes retombant sur un pilier polygonal de part et d’autre. L’unique travée du chœur, de plan carré, est voûtée de huit nervures qui se prolongent dans des colonnettes d’angles triplées et à chapiteaux symboliques. La reconstruction de ce chœur, daté du XVe siècle, correspondrait à la restauration de l’église qui suivit la guerre de cents-ans.
Le chœur est aujourd’hui éclairé par une grande baie flamboyante. Longtemps en partie muré ce fenestrage a été restitué, restauré et doté de vitraux contemporains lors des travaux de restauration des années 1990-2000.
Ces travaux de restauration à l’intérieur de l’édifice ont permis de retrouver quelques vestiges de peintures murales (XVe siècle ?), cachés sous le badigeon, qui ont été protégés. Le nettoyage des murs de la nef a aussi permis de retrouver une litre funéraire de la famille La Rochefoucauld.
Les armoiries de cette litre ont été conservées et restaurées. La litre commémore les funérailles du duc François VI de la Rochefoucauld[4] et de son épouse Andrée de Vivonne en 1680.
Au-dessus de la couronne ducale apparaît la fée Mélusine dans son bain, référence aux origines légendaires des maisons de La Rochefoucauld et Lusignan. La présence de cette litre s’explique par les droits de Seigneur Haut-justiciers que les ducs de La Rochefoucauld exerçaient à Genac en tant que Barons de Montignac.
[1] Jean George, Les églises de France, Paris 1933.
[2] Philippe Oudin, Architecte en chef des Monuments Historiques, Comptes rendus et rapports de présentation des travaux. Archives municipales de Genac.
[3] Abbé Jean Nanglard, Cartulaire de l'église d'Angoulême, in Mémoires de la SAHC, Angoulême 1899.
[4] Dont on se souvient généralement comme « l’auteur des Maximes ».