Fontaines de Manonviller

 De l’eau, de l’eau ! Fraîche, claire, elle coule pour alimenter les fontaines du village, comme l’a décidé le conseil municipal, il y a 140 ans. C’est une belle histoire, qui mérite d’être connue. 

Après la guerre franco-prussienne de 1870-1871, qui a durement éprouvé les régions de l’est, les dommages de guerre sont rapidement versés aux communes sinistrées, et les dernières troupes allemandes partent en septembre 1873. 

Pour protéger la nouvelle frontière, à 10 km à peine de Manonviller, la construction d’un fort d’arrêt est décidée en mai 1878, son emplacement fixé, et quelques mois plus tard, les conditions de cession des terrains à l’Etat sont acceptées par la commune. 

Jusqu’en 1880, la population de Manonviller avait régulièrement augmenté et atteint 336 habitants. Avec le produit de la vente des terrains, le conseil municipal décide alors, le 8 août 1880, de réaliser le projet qu’il envisage depuis longtemps, des fontaines communales, considérant « qu’il est juste d’indemniser les habitants de la perte annuelle qu’ils éprouvent par le retrait d’une partie de leurs biens partagés ».

Dans son rapport, le conducteur du service hydraulique du département, M. Fisson, mentionne deux sources de bonne qualité, proches du village, dont il estime le débit à 48 litres par minute,  soit « une proportion largement suffisante de 205 litres par habitant et par 24 heures ». Il ajoute que « le nombre des fontaines à alimenter est de 5; la municipalité tient essentiellement à ce chiffre et aux emplacements ». Un réservoir sera construit au point culminant de la conduite principale, portant la dépense totale à 1350F - sachant que la vente des terrains en avait rapporté 2700. 

C’est à la date du rapport de M. Fisson, en mars 1881, qui prévoyait 5 emplacements : la fontaine dite Stourm et celle de l’église, rue de l’église; la fontaine de la cure, au carrefour du chemin de la bergerie; la fontaine du centre, face à la rue de l’église, et la fontaine du bas du village. 

Ces cinq fontaines existent toujours aujourd’hui. Il est possible, toutefois, que l’une d’entre elles (la fontaine de la cure ?) ait été déplacée de son site d’origine. 

 A la suite de l’enquête publique, le devis est accepté, avec deux branchements supplémentaires pour le presbytère et l‘école. L’aspect et les matériaux des fontaines sont décrits avec précision. Quant aux conduites, elles sont prévues en tuyaux de grès d’un diamètre intérieur de 0,05m. 

L’adjudication du 10 avril 1882 est remportée par un entrepreneur de Bénaménil, Jean-François Dulibine. La réception des travaux intervient le 30 janvier 1883.

Comme le raconte Marc Gabriel, l’usage des fontaines fait alors l’objet d’un règlement municipal. Pas de lessives, car l’eau est d’abord destinée au bétail. Mais on peut y faire « tremper des ustensiles de vigneron », pour « faire gonfler le bois des tonneaux (…) ou les manches d’outils », voire « un morceau de morue, mise à dessaler » sous le courant.

Lorsqu’on fait aujourd’hui le tour du village, on remarque tout de suite la présence de ces cinq fontaines, toutes conservées. Elles font l’envie des communes voisines. Si elles ne servent plus pour abreuver le bétail, elles constituent cependant un bien commun précieux, celui de rendre l’eau librement disponible pour chacun. 

Depuis leur création il y a 140 ans, les édiles ont veillé à leur maintien, et il en va encore de même aujourd’hui. Mais c’est aussi notre responsabilité à tous, que de contribuer à leur bon usage.