HISTORIQUE DE BRAFFAIS

BRAFFAIS : Brafaesium vel Brafaeum. (Nomenclature des paroisses en 1745). Une orthographe bizarre a sans doute altéré la forme primitive de ce nom qui devait rentrer dans la terminaison générale des noms de paroisse ey et é. Braffais devait se dire Brafé ou Brafey, comme le nom presque semblable d'un quartier voisin d'Avranches, Baffé. 


L'église de Braffais, église Saint Martin, appartient presque en entier au XVIIIème siècle : elle est bien de cette architecture sèche, rigide et régulière. Le choeur date de 1743.

La Croix de cimetière, érigée en regard d'une plus vieille qui est hors de l'enceinte, s'élève sur une base carré qui porte cette inscription : "J'ai esté donna par Cousin p. de ce lieu."

      En 1648, la paroisse avait quatre prêtres.


 

En Braffais sont deux anciens fiefs qui relevaient de l'évêché d'Avranches, celui du Domaine et celui de Cantilly. Parmi les chevaliers défenseurs du Mont-Saint-Michel contre les Anglais au XVème siècle, se trouvait un seigneur de Cantilly. Il y avait d'ailleurs un autre fief de Cantilly à Bacilly.

Sur le flan escarpé d'une bruyère de Braffais, dont le pied est baigné par une rivière, qui passe sous la vielle chapelle de Saut-Besnon (elle se jette dans la Sée au Bas-Limon en Tirepied, et Cassini l'appelle R. de Saultbesnon), se voit un vaste écroulement de rochers ingentem scopuli traxere ruinam affectant la disposition d'un triangle ouvert. Ce sont, dit-on, les restes d'un château bâti par les fées, les Châteaux-Turbontins, palais de la fée Turbotine (histoire qui rejoint celle de la commune voisine de Plomb). Shakespeare eût fait danser Titania ou Turbotine dans cette vallée profonde et sauvage ou bruit une onde claire sur des roches tombées du parlais gigantesque. On conçoit sans peine que l'imagination populaire ait poétisé cette nature pittoresque et ces amoncellements mystérieux, et créé des êtres surnaturels pour expliquer ces roches dispersées comme par une certaine intention de la nature. Un bloc de dresse comme un menhir au milieu de ces blocs épars : si dans ce lieu le poète évoque la féerie, l'antiquaire peut y évoquer les Druides : (M. Desroches a appelé cet amas de pierres un monument druidique. Hist. du Mont St Michel, tom. 1er, chap 1er).


Une terre de cette commune s'appelle La Trigale : on conte qu'en ce lieu trois Gaulois arrêtèrent l'armée de César. C'était un exploit assez commun chez nos ancêtres, car nous connaissons d'autres Trigales (Il est cependant bien probable que ce nom est celtique).

 

En face de cette église, se trouve le Manoir de la Martinière, appelé "le Château", car probablement situé à l'emplacement du 1er château de Braffais.

Le Manoir du Domaine, construit au XVIIIème siècle, est bâti sur les vestiges datant du XV ème siècle.


Le viaduc du Saultbesnon, construit en 2003, relie Braffais à Plomb, en enjambant l'A84. 31 mètres de haut et 347 mètres de long (architecte Laurent Barbier) terminé en 2002 et mis en service le 27 janvier 2003.

Sur la commune se trouve aussi l'aire de la Baie : passerelle de 76 mètres de long et 4 mètres de large.


Hydrographie : Le Sault-Besnon (ou Ruisseau du Parc des Châteaux), et les ruisseaux, Le Moulin du Bois, Vaulmestre, la Delinière.

 

 

Personnages :

Le Seigneur de Cantilly, ancien fief de Braffais, fut l'un des 119 défenseurs du Mont-Saint-Michel en 1434.

Roger Danjou (1914-1990) ouvrier granitier, résistant, membre du réseau Front National - FTPF

Guy Môquet (1924-1941), jeune résistant communiste, fusillé le 22/10/1941, parmi les otages de Châteaubriand, originaire de Braffais par sa mère. Ses arrières grands-parents, Modeste Roussel et Victor Gombert, habitaient La Poignière.


Anecdotes :

Le 10 aût 1944 , "sur demande des autorités alliées, le conseil municipal de Braffais, décide la création d'une police auxiliaire qui assurera la garde d'une façon permanente au croisement des routes de Tirepied, l'Epine et Brécey-La Haye-Pesnel. (registre CM de Braffais 1944).

Autres photos de Braffais (ci-dessous "les fleuristes de Braffais en 1911", l'école communale, le presbytère, l'ancienne mairie et le restaurant 'le bon temps'


                                                            
 
 


 

LE CORBILLARD ETAIT UN TRACTEUR

 

RÉCIT DE MARC DEJEAN - OUEST FRANCE LE 28/10/1982
 

Près d'Avranches, Aline a quitté sa ferme sans chemin ! Ils sont une douzaine immobiles, sous la pluie devant la ferme d'Albert Gesmier. Muets et résignés. Le respect de la mort se lit sur ces visages de pierre, et seule une toute petite étincelle au fond des yeux révèle que l'enterrement ne sera pas tout à fait comme les autres : pour aller enterrer cet après-midi Aline Gesmier, 78 ans, il a fallu atteler le cercueil au tracteur du voisin et parcourir plus d'un kilomètre à pied à travers des champs boueux.

Curieux convoi mortuaire. C'est que la ferme de la Cornillière, sur la commune de Braffais, près d'Avranches, est un cas unique en France : elle est perdue au milieu des bois et des près sans le moindre chemin, la moindre voie pour la relier aux routes de la commune.

Alors avant le départ cahotant de cet étrange convoi, le café-calva qu'à servi Albert Gesmier aux voisins et amis avait un arrière-goût d'amertume.

Comme le Mont Saint Michel tout proche, La Cornillière est devenue un site célèbre qui mérite le détour. Mais le touriste qui se hasarde dans ce labyrinthe de vergers et de lieux-dits n'a pas intérêt à s'embarquer sans biscuits.

Sur la commune voisine du Parc, le patron du routier-épicerie lève les bras au ciel : "Vous allez là-bas : va vous falloir un hélicoptère !" Plus loin, des agriculteurs qui connaissent bien le problème poussent la complaisance jusqu'à nous proposer "des bottes". Condition sine qua non pour atteindre la ferme sans engelures.

Aline Gesmier a vécu là toute sa vie et son frère Albert, qui porte comme un charme ses 80 ans, est venu la rejoindre en 67 pour ne pas la laisser seule au milieu de ses pommiers, des ses vaches et de ses poules. Cet ancien chauffeur de maître a ensuite travaillé comme chauffeur de cars. "En 38 ans, a-t-on dit lors de son départ en retraite, il a parcouru 1 500 000 kilomètres et a toujours mené ses passagers à bon port, sans accident". Les temps ont bien changé pour ce virtuose du volant : depuis quinze ans, qu'il vente ou qu'il neige, il est obligé de laisser sa voiture dans l'appentis des voisins et doit se coltiner une bonne demi-heure de marche dans la boue.

"Autrefois, il y avait bien un chemin, mais maintenant tout se démolit à la campagne", dit-il avec fatalisme en étalant sur la table de la cuisine, une liasse importante de paperasses. Dans ces feuillets jaunis se lit toute l'histoire de cette petite exploitation de 4 hectares, enclavée au milieu des terres. Une histoire qui remonte à l'avant-der-des-der lorsque les parents Gesmier tenaient encore la ferme.

"Vers 1906, explique un voisin, il y avait ici quatre hameaux. Le châtelain a voulu tout racheter, mais les Gesmier n'ont jamais accepté de vendre. Alors, tous les chemins ont été supprimés et la maison s'est trouvée isolée."

En feuilletant les vieux actes ont découvre le compte rendu d'un procès fait à Caen en 1937, le double d'une lettre écrite à Pompidou en 1972, une série de réclamations adressées à la Préfecture, il y a aussi des certificats, c'est le capitaine des pompiers qui notifie qu'il lui est "impossible d'accéder à la ferme en cas de sinistre", c'est le facteur qui parle de "conditions d'accès très difficiles".

En hiver, la vie de ce vieux couples de célibataires ne devait être guère gratifiante, la maison a été bombardée en 44 et la reconstruction a eu un mal fou à intervenir. Les vaches sont restées sans étable pendant 14 ans ; l'eau n'a été branchée qu'en 1977.

"Le téléphone ? pourquoi faire ? Les amis ne peuvent même pas venir nous voir", dit Albert Gesmier. L'ancien chauffeur a tout fait pour tenter de sortir de cette solitude champêtre. Mais apparemment ce n'est pas l'entente cordiale avec le maire, et à l'issue d'un énième procès, celui-ci a réclamé 5 000 Frs de dommages et intérêts. "Vous comprenez, les gens d'ici n'aiment pas beaucoup ceux qui ne sont pas de la terre". Le tribunal d'Avranches a été saisi de l'affaire. Il y a 7 ans, "Je dois encore passer au tribunal en mars. On verra bien".

Toute sa vie, Aline a été le fer de lance de cette mini-contestation paysanne. Puis les ennuis de santé sont apparus et après 27 jours d'hôpital, elle est morte vendredi d'un arrêt du coeur. Trop tard pour admirer la surprise amenée à grand peine par son frère, un réfrigérateur.

"J'en ai gros sur le coeur, vous savez", disait Albert Gesmier en suivant le cercueil improvisé. "Ce n'est pas le coeur, c'est tous ces ennuis qui l'ont tuée."

 


La vie est parfois bizarre. Pendant son dernier voyage, Aline qui pendant plus d'un demi-siècle a traversé les champs à pied, a enfin bénéficié des services d'un tracteur, pour retrouver la terre qu'elle n'a jamais voulu quitter.

Mme Aline Gesmier est née à Braffais le 28 février 1904, et est décédée à Avranches le 22 octobre 1982, son frère Albert, est né à Braffais le 5 décembre 1902, et est décédé à Avranches le 22 novembre 1994. Ils étaient les enfants d'Alcide Gesmier et de Marie Ménard.