Le prieuré de Saint Martin de Miséré
Qui n’a jamais essayé d’imaginer la vie au prieuré au temps où ce monastère était occupé ?
Nous sommes le 24 juillet 1312. Il est 22 heures, 14 minutes et 16 secondes, alors que le couvre-feu sonne au clocher de la chapelle, les oiseaux effrayés s’envolent subitement dans un bruissement d’ailes. À ce même instant, le chanoine Benoît est dans le prieuré de Miséré. Il compte le sou gagné par la dîme. Il empile délicatement ses pièces, les rangeant de la plus grande à la plus petite. En même temps, il sort un mouchoir froissé de sa poche et se gratte le nez.
À la même seconde, tandis que le chat Hubert coure après une souris au milieu de la cour, le prieur Albert de Royn assure le service paroissial. Il confesse tardivement la Mère Grange dont l’époux a perdu la tête. Les attaquants de Montmélian ont détruit ses récoltes et enlevé ses bestiaux. Depuis, il ne fait que se balancer sur sa chaise. La mère Grange demande au prieur un miracle.
Au même instant, alors qu’une sangsue s’apprête à sortir du bocal amené par le médecin, posé sur la table de nuit, le chanoine Humbert est au chevet du Chevalier Nantelme qui, touché de componction par l’énormité de ses fautes, et pour que Dieu lui accorde une existence prospère, donne au moine la moitié de la dîme de deux vignes à Brignoud.
Toujours à 22 heures, 14 minutes et 16 secondes, alors que les chanoines se promènent au clair de lune, torches à la main, le sacristain Pierre Pinel, nettoie l’autel de la chapelle quand le petit Geoffroy passe le seuil de la porte, accompagné par sa maman.
« Bonsoir mon frère ! dit-elle. Vous savez, depuis que Charlemagne a encouragé la création d’écoles dans les monastères…je me suis dit que…comme nous sommes pauvres et fidèles envers notre seigneur…et comme il est coutume de donner un de ses enfants à l’église pour avoir une chance d’aller aux côtés de notre seigneur…ben voilà, je vous le donne !
« Le sacristain répondit : Bienvenue, jeune garçon. Nous sommes 8 chanoines à vivre ici. Tu te plairas parmi nous ! »
Nous sommes toujours le 24 juillet 1312, il est maintenant 11 heures du soir. Le petit Geoffroy, ne trouve pas le sommeil dans sa cellule très spartiate, tandis qu’à deux lieux de là, les feux s’éteignent dans les chaumières alors que le fournier arrive au four seigneurial pour allumer le sien.
Au même instant, à l’auberge des Trois Mages, le cabaretier sert le vin au comptoir dans des gobelets d’étains et les cervoisiers, de la cervoise.
Pendant ce temps, dans le logis seigneurial du Château de Monsbonaldi, le Dauphin Humbert II van la Tour du Pin van Viennois ronfle tranquillement après un repas fastueux où le vin coulait à flot.
Ainsi se termine cette étrange soirée du 24 juillet 1312.
Instants de vie en l’an 1312 proposé par Marylène Guerillot, archiviste de la municipalité, romancés à partir de faits historiques. Certains personnages ont réellement existé comme le Sacristain, le Chanoine, le Chevalier et le Dauphin, d’autres sont imaginaires.
Sources :
- Montbonnot St Martin, de 1100 à 1789, G.Sailler
- Le Grésivaudan au moyen Age, Hervé Tardy, Historic’one Editions.