Une école de garçons

Je m’appelle Adrien Aimé Bernard, j’ai sept ans. Ce jour d’hui, c’est ma première rentrée dans l’école publique communale de Montbonnot. Elle est située le long de la route impériale, à côté de l’église et sous le château de la Famille De Miribel.

Nous sommes le 1er octobre 1898. Les vendanges et les moissons sont finies. Elles laissent place à la rentrée des classes.

Je me suis levé de bonne heure ce matin. A la fois impatient et rempli d’appréhension à l’idée d’aller à l’école. J’ai passé ma chemise, ma veste (elle a déjà fait les rentrées de tous mes frères). J’ai sauté dans mon pantalon rapiécé aux genoux et enfilé mes chaussettes et mes brocs. Maman m’a coupé les cheveux hier donc pas besoin d’un coup de peigne. Un verre de lait, pain, beurre, je suis prêt !

J’arrive devant cette grande bâtisse, que l’on appelle la maison d’école des garçons et aussi maison communale, puisqu’elle sert aussi de mairie. Papa y est allé avant moi, 3 ans après son inauguration de 1870. Son instituteur était Mr Périer. Ils ont eu du nez à Montbonnot de construire une si belle école ! Ils n’ont pas été pris au dépourvu au moins. Ils ont construit l’école 12 ans avant l’obligation d’accueillir tous les garçons de 7 à 12 ans de la commune. (En 1882, Jules Ferry, ministre de l’instruction public a rendu obligatoire l’enseignement primaire en service public).

Avant cette école, il parait qu’il y avait une vieille demeure bourgeoise quasiment en état de ruine qui a donné son style à l’école en réutilisant les pierres de tailles. Quand je regarde cette façade, je me mets à rêver. Une fenêtre ronde est placée tout en haut, poussant le toit vers le ciel, comme si un géant l’avait remonté pour y coller son œil qui nous surveille. Sur sa tête, ou plutôt son toit, le drapeau français vole au vent entre les 2 cheminées qui remplacent les oreilles de mon géant. Je l’aime bien moi, cette école !

La grande porte en bois de noyer est ouverte. Elle nous invite à rentrer. Le vestibule nous accueille. En face de l’entrée, un escalier en bois. Mon maître d’école Monsieur Jean Girard descend de son appartement et malgré les craquements des marches sous ses pas, je comprends que l’on doit tourner à gauche dans l’unique grande salle de classe.  Mes sabots font un bruit du tonnerre sur ce plancher. La lumière encore forte en ce début d’automne, entre par de grandes fenêtres à 6 carreaux qui ferment par des espagnolettes. En face de moi, une autre porte ouverte donne sur la cours de récréation où jouent d’autres élèves. Sur les murs peints, une grande horloge et des cartes sont suspendues par des fils accrochés aux corniches qui surplombent la classe. C’est donc dans cette grande salle prévue pour 50 élèves que je vais passer le plus clair de mon temps, où je vais enfin apprendre à lire et écrire jusqu’au certificat d’étude. Une dernière précision du maître et pas de moindres : Le déjeuner se prend sur place et on peut réchauffer sa gamelle sur le poêle. 

Je m’intègre plutôt bien et j’apprécie ces temps d’études qui ont remplacés mes travaux des champs.

Texte inspiré de faits historiques, proposé par Marylène Guerillot, archiviste communal.

Sources :

  • Lettre du 13 aout 1870 du secrétaire général du Préfet
  • Lettre de relance du 24 juillet 1871 du secrétaire général du Préfet
  • Plan de la maison d’école de garçon datant du 7 juin 1868
  • Devis estimatif des travaux à faire pour la maison d’école de garçon et cours pour adultes.
  • Registre d’Etat-civil de 1891
  • Cadastre napoléonien de 1814 et cadastre actuel
  • Registres des délibérations du conseil municipal 1860-1920